Nouvelle vie au Laos 8/73

Une nouvelle vie au Laos

 

2 juillet 73 : A Ka tak, l'aéroport de Hong-Kong, Tintan est là, son œil humide, quant à Tamy, elle pleurait à chaude larmes… J'aurais pas cru…

Après ces 3 mois passés à Hong-Kong avec Marc, on s'est décidés de partir vers le Laos, l'ethnologue Jacques Lemoine m'avait dit : " Si tu passes à Bangkok, va voir les Archaimbault, ils sont isolés, ne voient personne, cela leur fera plaisir…" Ensuite, le train jusqu'à Nong Kai, le village frontière sur le bord du Mékong.


Aéroport de Bangkok.

Dans l'avion, investi par un groupe de "Nouvelles Frontières", Marc se met à parler créole avec une famille guadeloupéenne. A les entendre rire, des liens de parentés caraïbes sont évidents. L'immigration, toujours sa hantise… On se glisse en plein milieu de ce groupe embarqué à Hong-Kong. L'officier de l'immigration noyé au milieu des conversations en charabia d'oiseaux n'y voit que du feu, le tampon tombe en chaîne sur tous les passeports ouverts sur une page vierge "One month tourism". Les grandes guiboles de Marc sont déjà dehors…  

Grâce à la gentillesse de Jacques, on est attendu chez Charles Archaimbault. De l'Ecole française d'Extrème-Orient. Marie-Jeanne, traductrice et lui forment un couple charmant. Après ces quatre années de complicité avec Francine, cette séparation m'a complètement désorienté, Mr et Mme Archaimbault sauront être avec moi de très bons psychologues et thérapeutes.

Je dois à ce grand Monsieur et à sa femme tous deux anciens membres du premier noyau de résistance du Musée de l'Homme, le mérite de m'avoir fait prendre conscience de la relativité de mes problèmes… Quand aux révélations de Tamy concernant la mentalité des jeunes lycéennes de Hong-Kong, le couple Archaimbault n'en revenait pas !


La pêche au boulot…

D'hôtel en hôtel, de taxi en taxi, la chaleur humide et la pollution aidant, on est plutôt cradingues pour se présenter aux "Foods et beverages  Managers" !  Pour économiser nos sous, Marc en a encore moins que moi, on traine avec nous un énorme régime de bananes pour calmer les fringales en cours de  journée… "Je vais finir par avoir le "complex monky" . Cette réplique lui revenait chaque fois qu'il en détachait une !

1 73 marc ou le complexe des monkies 1


Du travail pour Marc ..

13 janvier 73 : Un ami de Marie-Jeanne lui propose de redessiner puis de refaire la décoration de son appartement, Marc peut manger et coucher sur place et surtout gagner un peu de sous en attendant une éventuelle suite à nos démarches "Show Business".


20 janvier 73. Chez les Archambault, un vieux 4/4 boueux, se range au milieu du jardin exotique devant les pilotis de notre vieux temple en bois, c'est Jacques Lemoine (l'ethno du Laos) : " J'ai commandé des pièces pour ma 403 Peugeot, je viens les chercher. - Tu repars quand à Vientiane ? - Je vais d'abord chercher les pièces… demain matin… Je vous emmène ? Marc  sort de son hamac : "Vas-y Philou, je te rejoindrai plus tard, j'en ai encore pour une semaine de boulot !! " 

   Fatigué de l'atmosphère humide et polluée de Bangkok, ma décision fut vite prise. J'avais une occasion unique d'aller au Laos avec mon matériel. Le lendemain soir, couverts de poussières, après 500 km troués de nids de poules on arrive à Non Kai près du Mékong. Jacques doit laisser là le 4/4 loué en Thaïlande. Une  embarcation attend, déjà occupée par quelques vieilles édentées transportant poules et canards.

Surpris, je découvre le Mékong  beaucoup plus loin que la dernière fois, le ponton d'embarquement a été déplacé ! Je trimbale avec moi une partie de mon matériel que l'on utilisait en duo. Guitare et ampli et deux bons micros. "shure" achetés une bouchée de pain à Hong-Kong.

On monte dans le canot, deux jeunes thaïs tout maigrichons, toujours à la recherche de "baths" (la monnaie thaï) nous prennent valises et ampli… L'un d'eux surpris par son poids chancelle… Plouf! l'ampli et lui tombent dans l'eau ! Son copain rigole : " No problème chef, "bon péniang" .

Le gamin plonge dans l'eau ocre, limoneuse, ramène l'ampli à lampes plein de boue ! (Push-Pull d' EL34 pour les connaisseurs) ! Et bien ! copieusement arrosé au jet et séché pendant 2 jours au soleil, l'ampli que j'avais fabriqué à Malakoff sous les recommendations de Francis Weiss, fonctionnait toujours !

Je l'entends encore : ("…comme dans le matériel radio de l'armée américaine, tu m'entortilles tous les fils des résistances et condensateurs et tu soudes les tortillons !! ) Il avait raison, l'ampli a bien supporté la baignade !


A la frontière Laotienne.

21 Janvier 73  Sur la berge laotienne, pour passer la douane ce fut plutôt une rigolade. Le douanier, lui, connait bien les passeports bleus des français : 1500 d'entre eux habitent à Vientiane. Quand Jacques Lemoine  très connu, leur parle en laotien, tout le monde s'esclaffe !

Le douanier voit ma guitare : " Vous c'est musicien - Oui ! chanteur ! Vu son âge, je lui fredonne : "On l'ap-pelle ma p'tite bour-geoi-se, ma ton-qui-qui-ma ton-qui-qui-ma ton qui-noi-se…" Il rit aux éclats !  Il connait…

Quelque jours plus tard, le Centre Culturel reçoit un message de Marc le Haïtien, m'étant adressé : " Philou, J'arrive demain, vient me chercher à la douane laotienne, merci".

Le lendemain Marc  sort de l'embarcation, n'en mène pas large… . Je prends les devants, les douaniers me reconnaissent… Je parle fort : " Qu'est-que tu viens faire au Laos vieux frère...

Aux douaniers : " C'est un français de la Martinique, il vient jouer avec moi." Marc lève sa conga… il s'adresse aux douaniers : " Comme vous au Laos, la Martinique a été occupée par les français, alors on a droit à un passeport d'une autre couleur… c'est normal, nous, on est noir !! "

Le douanier rigole, il ouvre le passeport et reconnait des mots écris en français... et le tampon s'abat sur l'étrange passeport Haïtien de Marc. "T'es tranquille maintenant…"


On habite sur pilotis...

24 Janvier. Après avoir  changé les pièces de sa voiture, Jacques part faire ses recherches dans le nord du Laos chez les tribus Mongs. Il nous confie sa maison, en amont du fleuve à 4 kms de Vientiane, avec ponton sur pilotis au-dessus du Mékong. " Installez vous là. Il nous désigne un plancher à claire voie abrité par un toit de bambou, c'est encore la saison sèche vous aurez de l'air…"

Il fait chaud, le plancher craque, s'étire. Sur le grillage des fenêtres, accrochés au plafond, des margouillats, roses, lèchent au passage quelques moustiques en s'accompagnant de minuscules cris d'oiseaux. Sous l'eau tiède de la douche, on respire quelques instants avant d'ouvrir un camembert et une bonne bouteille, le brassage du ventilo ronronne, mollement. On est bien...

Jacques reprend : " Francine a couché là pendant 3 mois, elle donnait des cours au "Centre Cu", elle était devenue maigre comme un clou…" A entendre Jacques parler de Francine, la gorge me serre, je me replonge immanquablement dans ce gâchis…

Le Mékong est devant moi, là, majestueux, vers 6 h 30, après un foisonnement de couleurs brillantes, le soleil se baigne puis s'enfonce rapidement… Depuis les confins du Tibet cette masse d'eau s'étale, comme pour prendre tout son temps. Le bouddhisme  pouvait-il naitre dans d'autres paysages que celui-ci ?  De l'autre côté, à 1km, ce mince filet de verdure c'est la Thaïlande tout comme moi Francine a du se laisser happer par sa force tranquille.

Consernant les recherches de Jacques chez les méos, une question me taraude : "Mais, t'as pas peur de passer dans la zone d'insécurité ?" (à 40km au nord de Vientiane) - Non, j'y vais régulièrement, (en zone communiste à l'époque) les "pathé lao" me connaissent, on se parle, et puis pour eux, je suis le "docteur" ! … Ils ont besoin de médicaments, d'aspirine, de quinine…

Il continue : Un jour quand même, j'ai eu la trouille. Je me suis retrouvé avec une mitraillette sur le ventre, c'était des jeunots, ils ne me connaissaient pas, et pour faire du zèle, ils pouvaient tirer à tout moment… Je n'en menais pas large, je leur ai raconté l'histoire de leur pays, cité les noms des chefs de tribus de la région… Ça a été très long, ils m'ont amené à leur chef et tout s'est arrangé."


Une cohabition modèle... 

Dans la "cabane" de Jacques, on a aussi une petite copine pour jouer. Caroline : une petite Lao de 4 ans qui comprend le français, c'est sa fille adoptive. La voisine, une gamine de 12 ans s'en occupe.

Sous cette grande maison en planches disjointes pour laisser passer l'air, la cuisinière habite avec ses 4 enfants. Puis, séparés par une cloison en bambous tressés habite la laveuse, son mari et leurs 2 enfants.

Tout ce monde cohabite sans heurts, les enfants semblent habiter chez tout le monde. A part les chiens et les chats qui se battent pour des arrêtes de poisson, on n'a jamais entendu des enfants se chamailler… encore moins pleurer.

2 73 tha au travail

Tha, vient souvent chez Jacques. Elle aime bien les coopérants français et commence à parler notre langue...


5 février 73, Au Centre Culturel J'ai mis une annonce pour des cours de guitare à 5 US $ l'heure. Mes deux cours par semaine me permettent d'aller dîner tous les soirs au "Cercle des Officiers" où l'on peut se faire un petit gueuleton pour 700 kips. J'en ai bien besoin… (à l'époque on avait 810 kips pour 1 US dollar !. J'ai retrouvé tous ces détails dans les courriers envoyés chaque semaine à ma mère).


Un courrier de Tamy...

Une secrétaire me remet une lettre de Hong-Kong : elle a mis 8 jours pour arriver au Laos. J'y trouve 15 dollars US : c'est Tamy qui s'inquiète de mon sort, sa lettre est une lettre en anglais, une lettre d'amour... , je n'en reviens pas !


Et Francine ?

Jacques a reçu des nouvelles de Francine du Népal. J'étais resté sans nouvelles d'elle depuis notre séparation, elle ignore que sous la "véranda" de bambous, je suis un peu sur ses traces...  J'en profite pour lui envoyer un courrier à la poste restante de Katmandou. Sachant, d'après Jacques, que notre métier lui manque…

Je lui propose, sans trop y croire, de refaire le duo mais avec une totale liberté de vie de part et d'autre… Katmandou-Vientiane : combien de semaines d'attente avant de recevoir une réponse ?


Au "Settha Palace".

C'est un hôtel, le second de Vientiane géré par deux anciens du corps expéditionnaire d'Indochine. Au rez de chaussée, ils sont patrons d'une boîte rivale du Tam-tam, pleine à craquer tous les soirs où joue un orchestre laotien. Ces deux français, sympathiques (avec moi ! ) souhaitent y ajouter un endroit où les gens pourraient venir à l'apéritif du soir pour écouter des chansons françaises. Ce sera  "Le Spot".

Affiche du spot 1974

10 kips laotien reduit10 kips de l'époque.


L'inauguration du "spot". 

Au Laos, je ne dois pas m'attendre à gagner de l'argent. Par contre, on m'offre une grande chambre au "Settha Palace Hôtel" avec  le petit déjeuner et le repas du soir plus 5 US $ par jour ! (environ 4000 kips ).

Je suis parait-il bien payé par rapport à ce que gagne un instituteur laotien… : 5 US $. Mais, c'est évidemment très peu pour économiser le prix d'un ticket d'avion pour regagner la France  ! On vit avec presque rien au Laos : 50 kips, c'est le prix unique d'une course en taxi dans Vientiane !

Pour l'inauguration du bar du "Spot", la salle de 150 m² est pleine. Les filles des ministres, chaperonnées et parlant un français impeccable sont à la première rangée de fauteuils , ravissantes mais inaprochables...

Je vais faire connaissance avec la plupart des coopérants français qui me demandent Brassens, Nougaro, Mouloudji. Une française me demande de l'accompagner dans son répertoire Barbara.

Mon pote Marc est venu faire un bœuf, jouer quelques calypsos sur des verres de champagne accordés suivant la hauteur de chaque remplissage : il faisait un tabac à Bangkok !. J'avais essayé de l'incorporer auprès des patrons du Settha Palace... Mais eux, ce qu'ils veulent, c'est créer un "coin chansons" en français, d'autre part, je les suppose racistes...

Ce travail, d'animation de bar, je n'imaginais pas que j'aurai à le faire des années plus tard au Club Med ! Toutefois, pour les quelques coopérants anglais et américains, je dois ajouter quelques chansons de O Sullivan, et du génial chanteur de blues (blanc) James Taylor.

Egalement des bossas en brésilien, pour les amateurs et pour moi ! Cela me semblait un lieu unique, presque sur mesure, je peux également grâce à ma boîte à rythmes me perfectionner en musique brésilienne.

Tha : radieuse 1973"Tha" radieuse...


Les graines d'une pédagogie future...

Au Laos, à part la baignade quotidienne sur les bans de sable du Mékong et mon passage à l'apéro du "Spot", j'ai beaucoup de temps libre. Aussi je me suis mis à analyser la mystérieuse sensualité rythmique du jeu du guitariste-chanteur Joao Gilberto. Pour cela j'ai choisi la "Garota de Ipanema".

Sur 2 portées superposées dont chaque mesure était partagée en 8 parties égales séparées par 7 petits traits, les fameux piquets et intervalles de l'école primaire ! J'ai relevé, sur celle du haut, la mise en place de sa "batida" (cycle rythmique des 4 doigts de sa main droite). Puis à l'aplomb, en dessous, j'écrivis les basses de son pouce à leur place exacte.

Restait à rajouter la mélodie sur une troisième portée au-dessus des 2 autres. Chaque syllabe syncopée du chant devait ainsi trouver sa place exacte dans les petites cases correspondantes. Il suffisait alors de travailler au ralenti, en suivant croches après croches les 3 lignes verticales d'un seul coup d'oeil.

Chaque jour, en allant un peu plus vite, ce chef-d'œuvre de Jobim me rajoutait un peu plus de plaisir. Bien plus tard, cette régularité rythmique sera posée sur le battement du "surdo" puis sur la marche et la danse.

Vers 1983, j'utiliserai ce système  producteur de pulsations rythmiques  pour faire jouer ensemble des groupes d'enfants.

Ce deviendrala "Pédagogie Ecole qui swingue"...


Au spot...

On a quelquefois la visite de la haute société laotienne, les ministres et leur famille. Mon plus grand succès fut  de leur chanter : "On l'appelle ma p'tite bourgeoise...Ma ton ki ki, ma ton qui ki, ma Tonquinoise..." Tous les "anciens" laotiens connaissaient les paroles ! !

A 20h 30, on retire les tables, on pousse les fauteuils pour laisser la place à la danse. Le couvre feu étant à minuit. L'orchestre laotien doit s'arrêter à 11h 30. Son chanteur "Johnny" un birman, est connu pour avoir eu l'audace d'arriver à Vientiane en suivant le Mékong… à la nage… dit-on ! Beaucoup plus tard, je l'ai retrouvé à Pigalle il était devenu crooner dans un bar.!

3 73 portrait au settha palace

Au Spot du Settha Palace Hôtel.


Mon patron : un ancien déserteur...

L'un des patrons, le costaud, déserteur de Dien Bien Phu, celui qui parle vietnamien et plusieurs dialectes laos, responsable d'un maillon de la filière des stupéfiants entre le triangle d'or et le Vietnam m'a t'on dit..., ce trafiquant recherché par Interpol est venu prendre le café avec moi.

Il a envie de parler : " D'où tu viens ? - De Paris… - Ça, ça s'entend… - De Malakoff… Ses yeux s'embuent de larmes. Un silence s'installe…

" Moi aussi… enfin tout près… Je suis de la Porte de Vanves… Un jour, au bal, "Chez Bouscat", dans une bagarre, j'ai tué un mec, alors je suis entré dans la Légion… tu comprends ?... Je ne reverrai jamais mon XIV ième… La rue d'la Gaité… Paris…  Moi aussi j'avais les larmes aux yeux…

Beaucoup plus tard on m'appris qu'il s'était fait descendre par un rival sur l'aéroport de Bangkok...


Et Tamy ?

Tamy et moi échangeons toujours des lettres d'amour (en anglais). Comparativement aux laotiennes qui ne pensent qu'à s'amuser et à jouer aux cartes entre elles, sa lucidité, son intelligence, son appétit d'amour me manquent…! J'envisage de lui payer le voyage pour qu'elle vienne me rejoindre, ses écrits me parlent d'une impossibilité… d'un secret…

Puis, un jour, du Centre Culturel, je l'ai appelé à Hong-Kong… Au téléphone, en pleurs, elle craque ! : "Je suis promise comme mes sœurs… A 17 ans, j'avais rencontré un navigateur grec, il m'avait fait un beau cadeau, un bracelet en or… Puis, plus tard, au voyage suivant, ma grand-mère a voulu le connaître, il est venu à la maison et je suis devenue  sa "fiancée officielle".

Maintenant, à chaque fois qu'il fait escale à Hong-Kong, il amène des cadeaux à toute la famille. Il attend ma majorité pour me marier. Mes sœurs ont toutes été "prises" de cette façon, elles sont  mariées à Vancouver, à Brisbane, à New York…" 

Avec Tamy, je n'ai  jamais été au bout de mes surprises !


Extrait d'une lettre conservée par ma mère ! 

14 mars 73. Un soir au Spot, ayant un peu trop forcé sur les "Crew Driver" (Whisky orange), en déconnant, je me suis mis a chanter "Viens poupoule"...  Surprise ! Des vietnamiens endimanchés se sont mis à chanter avec moi sur le refrain laissant les jeunes coopérants pantois ! J'ai aussitôt enchainé avec la "tonkinoise, ma ton ki ki…" Les patrons  parlent de faire un Caf' Conc' tous les 15 jours !

Il fait excessivement chaud, la saison des pluies va bientôt arriver. Depuis le jour de l'inauguration du "spot", j'ai réappris 18 chansons.

Reçu hier une lettre de Tamy. Elle va d'abord partir en Angleterre… Son futur mari va prendre possession de "son bien", ça me révolte…

Ici, m'a-t-on dit, l'idéal pour une lycéenne laotienne, c'est de se marier avec son professeur de Lycée, il y a évidemment concurrence entre elles, aussi, beaucoup de coopérants se sont mariées avec des filles de 17 ou 18 ans !

Depuis 2 jours je suis passé de 5 à 6 US dollars par soir, c'est Bizance! Avec mes cours de guitare, ici, je ne me prive de rien.


Et Francine ?

Sa lettre de France m'apprend qu'elle fait de l'alphabétisation d'émigrés dans des usines de banlieues avec notre copine Mado du Slow-Club, l'hôtesse retrouvée à Tokyo ! Francine pense repartir en voyage et me demande si je peux lui rembourser le reste de la moitié du minibus !

C'était juste la somme prévue pour l'achat d'un petit champ à Pontaubert…!  Elle est décidée, elle veut voyager seule en Amérique du sud. Elle pense partir par l'Espagne puis le Maroc, en bus jusqu'à Dakar et prendre le bateau pour Rio de Janeiro. Quel voyage elle va faire ! elle a du cran ma Francine…!


Des nouvelles de mon fils Olivier...

15 avril 73.  Hier soir au "Spot", à la pose, une jeune fille française est venue me dire bonjour. - "Vous habitez Vientiane ? C'est la 1ière fois que je vous vois... - Normal, je viens d'arriver de France… c'est les vacances de Pâques, mes parents m'ont fait venir pour deux semaines…

A la fin de mon " service d'entertainer", avec quelques copains coopérants, on monte dans ma grande chambre, tout le monde s'installe sur les coussins, tout là-haut, au plafond, les longues pales du ventilo brassent l'air chaud. Un joint commence à tourner, je mets une bande de Sergio Mendès.

Soudain la jeunette s'arrête sur l'une des nombreuses photos fixées sur l'un des murs. "Mais… mais… c'est "Tomatocoulie", vous le connaissez… ?  - C'est mon fils, Olivier, il a été plusieurs années  à l'Ecole du Spectacle à Paris…

Il a déjà eu son premier rôle dans "La mare au Diable" avec Marc Cassot…

- Mais, tu sais..., il est connu en France, il passait tous les jours à la télé dans une pub en se gavant de spaghettis… !!

Dans cette vie sereine, je pense souvent à faire venir mon fils (13 ans) à Vientiane... Aux douces Laotiennes ... pour ses premiers brouillons d'amour…


         Les évènements : 

"… et la guerre du Vietnam qui déborde là-haut, au nord  du Laos?... Ici, on n'en entend à peine parler… moins qu'à Paris…!

Jacques Lemoine l'ethnologue m'explique : " Là-haut, comme tu dis, ils reçoivent des défoliants, les bords du Mékong bombardés ne retiennent plus la montée des eaux… Alors, quant le bruit des explosions se rapprochent, les paysans  déplacent leurs brûlis, leurs cultures...

Pour eux, c'est la nature qui se fâche, c'est un évènement naturel comme le tonnerre, les inondations… ils en ont vu d'autres…"


C'est "Pimai"

12 mai : Le couvre feu vient d'est aboli, l'orchestre laotien va devoir jouer jusqu'à 1 heure et demie du matin. La saison sèche va se terminer. La chaleur est insupportable. Avec ses 35° la nuit  et ses  38° la journée, on attend la première averse. On sait qu'elle est arrivée hier dans un village à 15 km en amont du Mékong.

Ça y'est, c'est pour nous ! On n'échappe pas à la mousson ! une trombe d'eau tiède vient de s'abattre sur Vientiane, c'est " Pi Maï " . Ça déborde de partout, les enfants se coursent dans l'eau tiède des caniveaux, les jeunes filles, un seau ou une casserole à la main, vous guettent, cherchent à vous suivent de près pour vous le verser sur la tête !

C'est la fête de l'eau… Impossible de faire 200m sans être trempé comme une serpillère!

La coutume veut qu'en vous aspergeant à la fin de l'année bouddhiste, on vous lave de toutes les mauvaises choses qui ont pu vous arriver pendant l'année écoulée…

La veille, jacques m'avais dit : " Tu vois ces petits bananiers, là ... (80cm de haut…) demain tu ne vas pas les reconnaitre…" 24 heures plus tard, ils mesuraient plus d' 1m 50 !


Lettre de Francine :

Elle m'annonce que son compte a bien été alimenté, elle est décidée, elle veut voyager seule au Brésil. Elle pense partir par l'Espagne puis le Maroc, en bus jusqu'à Dakar et prendre le bateau pour Rio de Janeiro. Quel voyage, toute seule, elle a du cran !


Chanter au Lan Xan Hôtel ?

Hier soir, la patronne chinoise d'un nouvel hôtel en voie d'achèvement, le "Lan Xan Hôtel" est venue m'écouter. La quarantaine, beaucoup de classe, riche et redoutable en affaire parait-il… Je me demande ce qu'elle a derrière la tête !

Le lendemain une jeune chinoise vient me porter un message, sa patronne ( ou sa mère ...) voudrait que je passe à l'heure du thé, à 17 heures au "Lan Xan". A l'heure dite, je m'installe dans le lobby, une heure plus tard , elle arrive en "chang shan", sa démarche féline laisse apparaitre une cuisse fuselée. Elle est fière de son nouvel hôtel, me fait visiter, c'est grand et moderne… J'attends toujours le pourquoi de ce rendez-vous…

Après quelques banalités du genre : "Vous vous plaisez au Laos ?", elle me propose trois mois de contrat payés à 7 $ US par soir logé avec breakfast.

Un dollar de plus qu'au  "Settha Palace"…!  C'est pour cela qu'elle m'a fait poireauter une heure !

A partir de cet instant, j'envisage de quitter le Laos. Depuis quelques temps, baignant depuis 4 mois dans cette vie nonchalante, je ressens un manque, d'excitation, d'élan, d'imprévu…! Et puis, la clientèle française du "Spot" n'est plus la même, remplacée petit à petit par un public de pilotes américains, plus consommateurs, ce qui a éloigné les français que j'aimais bien.

Avec mes petites économies, je peux me payer l'avion pour Singapour, ou plutôt les Philippines où je pourrai sans doute retrouver une jolie partenaire musicienne… Ça y'est ! La gamberge, ça recommence !

Mes patrons ont très bien compris mon désir d'aller me frotter à la concurrence. D'aller voir "plus loin si c'est mieux". Avant de terminer mon contrat à la fin du mois, je leur ai présenté une américaine de passage, une chanteuse de Folk-song, au répertoire Joan Baez et Joni Mitchell plus approprié à la nouvelle clientèle.

J'ai quand même le temps de me faire des photos et un enregistrement sur cassettes avec les meilleurs succès de mon répertoire :

 

Extraits d'un répertoire internationnal :

10s : Corcovado (C.Jobim), 1 m/n 17s : Felicidade (L.Bonfa), 2 m/n 28 : ??? 4 m/n 20 : Clopin clopant (B. Coquatrix/ P. Dudan) , 6 m/n 35 : L'âme des poêtes (Ch. Trenet)  , 8 m/n 10 : Fly me to the moon (B. Howard), 9 m/n 28 : Samba sur une note (J.C. Pascal/C.Jobim), 11 m/n 05 : Grenn sleeves  (Trad. anglais) , 12 m/n 30 : La mer (Ch. Trenet), 13 m/n 54 : Alone again (G. O'Sullivan), 15 m/n : Une chanson douce (H. Salvador), 17 m/n 20 : Fire and rain (James Taylor), 18 m/n 24 : Guantanamera (J. F. Dias), 19m/n 50 : Besame mucho (C. Velazquez), 22 m/n 32 : Sous les ponts de Paris (J. Rodor V.Scotto). 23 m/n 40 : 500 miles (C. Reid), 25 m/n 05 : Aquarela do Brasil (Ary Baroso) +Samba d'orphée, 27 m/n 30 : Les feuilles mortes (J. Prévert / Kosma). 29 m/n 10 : Scarborouh fair Folk (Folk anglais) , 29 m/n 55 : C'est si bon (H.Betti A.Hornez)


Et Marc ?

Je ne vois plus beaucoup Marc, il a trouvé un boulot d'interprète et de traducteur après s'être fait draguer par une afro-américaine membre de l'importante délégation UNICEF de Vientiane, il est en bonne voie pour y être intégré. Bonne chance à toi … (Si tu lis ces lignes, tu seras le bienvenu à Junas ou à Pontaubert on achètera un régime de bananes ! Un petit bœuf est toujours d'actualité !)


 Un peu de bricole...

26 mai 73. Ma Jazz basse Fender achetée à H-K en 1965 à besoin d'une caisse solide pour rejoindre Pontaubert. Des coopérants de Coulanges les Nevers rentrent dans leur Morvan natal. Une caisse de plus dans leur déménagement payé par l'administration et pour moi toujours ça de moins à trimbaler ! Encore merci les copains.


 

Suite page :

Bangkok la p.

 

 

 

Ajouter un commentaire
 

Créer un site internet avec e-monsite - Signaler un contenu illicite sur ce site