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Retour H-Kong Marseille

Retour à Marseille

29 janvier 66

Ma vie de musicien va se poursuivre en France, mais rien ne sera plus aussi intense que ces deux années et demie passées au Japon puis à Hong-Kong… Aussi, en l'absence ou presque, de photos et de notes… 44 ans plus tard, reste la mémoire… Je vais donc essayer de retracer ce parcours de fin février 66 date de l'arrivée du paquebot mixte "Laos" à Marseille jusqu'au départ au Havre du Duo Francine et Philou en octobre 68.


Voyage retour...

Fin janvier 66 : Embarquement à Hong-Kong. Semblables aux précédentes traversées sur les cargos mixtes des "Messagerie maritimes", les passagers de la classe économique varient d'une escale à l'autre.

Beaucoup de chinois embarquent à Hong-Kong, certains descendront à Saïgon, d'autres en général des étudiants, rejoindront leur université à Singapour.

On embarque également de riches Indiens, commerçants en soie indienne, mais aussi des Indiens Sicks beaucoup moins riches. De carrure athlétique, fusils en bandoulière, cheveux enturbannés, ils sont nombreux à Hong-Kong, tous ces gardiens de banques impressionnent de dignité.

Cheveux luisants et peaux très noires, des Tamouls embarquent à Colombo, pour 4 jours jusqu'à Bombay. A Bombay et Karachi, une foule de pakistanais musulmans envahissent et prennent possession de la "plage avant" à chacune des cinq prières... ce qui met en colère les matelots de pont qui doivent nettoyer à chaque fois tous les résidus de thé…

Et puis il y a beaucoup d'européens barbus, Suédois, Allemands, Danois, Anglais, tous parlant 2 ou 3 langues et, plusieurs Suisses dont Freddy avec qui j'avais partagé la chambre quelques semaines en arrivant à Tokyo deux ans plus tôt ! Quelques Australiens et Américains…

Nous sommes une quarantaine de "blancs" en classe économique. Deux sœurs "travailleuses " Coréennes et une Française sont toujours à notre table, très curieuses de nos façons de vivre, elles aiment rire !

A bord, seulement quatre voyageurs de langue française. Au bout d'un mois de voyage, on devient copains. L'un, aventurier suisse, la trentaine après avoir traversé l'Asie en stop venait de passer plusieurs mois avec des tribus musulmanes dans une île des Philippines : un dur à cuire…

Comme beaucoup de ses concitoyens voyageurs, il a voulu s'échapper de la rigueur helvétique les obligeant de faire, tous les ans, leur service militaire de 3 semaines.

Un autre, prof de français, venait de terminer ses deux ans de coopération au Laos. Il rentrait complètement déphasé… je le comprendrai mieux quelques années plus tard, en 72, pour y être resté 8 mois. Bon péniang ! (Rien n'a d'importance…).

Un autre français, interprète franco-russe après avoir travaillé aux réceptions des délégations soviétiques à Paris, s'est converti au chinois aux "Langues O" ce qui lui a permis d'être traducteur à "Pékin information". Il revenait après deux années passées à "l'Hôtel International" réservé aux étrangers dans la capitale chinoise.

 Et puis, on a tous été subjugués par une adorable gamine, venant, seule, sac à dos du Japon. Son anglais, hésitant, accentuait sa fragilité… -Where are you going to ?  -A Pa-li (Paris). Etant le seul parisien à bord, je cherche à en savoir plus : "In witch quarter ?".

Elle sort d'une poche de son sac à dos un bout de papier chiffonné, je lis : "Chez Popoff", rue de la Huchette Paris 5e ...

J'essaie de lui expliquer en anglais que c'est un bistro un peu sordide où traînent des alcoolos et plus… Il m'est impossible à traduire le mot bistro qui n'a aucun équivalent à Tokyo.

Notre étudiant qui parle chinois intervient et lui écrit dans la main des caractères chinois qu'elle est susceptible de lire (l'écriture japonaise utilise les idéogrammes chinois "kengi" et le katakana comparable au système "sténo").

Son minois se fige… : "So deska né..", elle devient rouge de confusion, elle n'en revient pas… En riant (expression du malaise au Japon), elle nous fait l'inventaire de son sac, quelques dessous féminins, des pulls, un "jean", des baguettes pour manger, un minuscule dictionnaire franco-japonais, sans le mot bistro ! et des quantités de boîtes de pilules contraceptives car on lui a dit qu'elles n'existaient pas encore en France.

Tami et ses baguettes legende

Le passage de la ligne. Depuis quelques jours, tout le monde s'affaire dans la salle à manger. Bien que l'équateur se situe à une cinquantaine de miles marins au sud de Singapour (1mile marin = 1852m), on va fêter "le passage de la ligne" dans le détroit de Malaca, lieu stratégique où les flottes hollandaises, anglaises, françaises et jonques de pirates chinois se sont longtemps affrontées.

D'un côté Sumatra et ses épices, de l'autre la Malaisie avec son verrou stratégique : Singapour et son port à gros tonnage.

Le baptême du passage se fête, chaque communauté se doit de produire  une activité artistique. Les quelques étudiants japonais sont très concentrés à la découpe de cartons et de papiers couleurs pour la confection de costumes de kabuki. Leur démonstration d'un bon quart d'heure suivi de chant en japonais (ancien paraît-il !) fut des plus obscure pour tous les spectateurs…

Les américains n'ont eu aucun mal à monter une chorale dans laquelle s'étaient jointes quelques anglaises et australiennes. Le clou de la soirée fut de loin la prestation de trois indiennes en saris brodés d'or exécutant une danse sacrée…

Plus tard dans la soirée, deux ou trois membres de l'équipage Corses et Marseillais sont venus en arborant une clé… ils nous  proposaient de nous faire passer dans les secondes et les premières pour continuer la fête… " On n'risque pas d'ennuis ? - Non, le commissaire en a un coup dans le nez ! Il dort ! 

Les français, vous êtes quatre ?  Michel le suisse n'a pas eu de mal à prendre l'accent de Montbéliard ! " Invitez quatre filles, vous en avez des belles…"  Le temps de se mettre en petit prince et on était dans le salon des premières classes.

Le lendemain, tout le monde s'est réveillé tard. Dans les coursives, un monsieur s'inquiétait de la disparition de sa femme, la cherchait un peu partout, en vain depuis le matin… " Il faut en parler au commissaire…"

On frappe à sa porte, le commissaire, un trois galons nous reçoit : " Que puis-je faire pour vous ? - Depuis hier soir, ma femme à disparu… ". Le capitaine débonnaire : " Ne vous inquiétez pas, elle va certainement réapparaitre à midi pour déjeuner… je ne vais quand même pas faire ouvrir toutes les cabines… mettez vous à ma place !! "

1 66 dans les 1iere classe

J'avais le droit d'aller au bal des 1ière classe à condition d'amener une cavalière !


Bombay.

Notre famille indienne a débarqué, d'autres montent à bord pour Marseille afin de gagner l'Angleterre, ils sont devenus sujets britanniques et vont rendre visite à leur famille…

Je passe des heures à la proue, accoudé au bastingage, l'Océan Indien semble se scinder en deux… des gerbes de poissons volants, surpris par l'étrave s'écartent, le ronronnement des machines ne s'arrêtent jamais, il s'intègre au corps…

Question confort en classe économique, nous les francophones, on est dans une cabine de quatre mais la plupart d'entre elles sont équipées de six couchettes. La nuit quelques couples se forment à la recherche d'un coin tranquille…

En gravissant toutes les échelles, je suis arrivé, au pied de l'énorme cheminée sous la corne de brume. Le bateau glisse à 17/18 nœuds, la vitesse d'un solex ! Tany et moi, face au vent, l'air tiède  et humide nous lèche la peau, le passé s'efface…, les projets… on verra… On goûte ce présent entre deux parenthèses…

2 66 belle indienne sur le pont

Une jeune fille très surveillée !


La pacotille.

De temps en temps, nos marins Corses et Marseillais viennent faire un tour au bar de la "classe éco". Ce soir, ils viennent directement vers nous, les quatre inséparables. On aurait un petit service à vous demander, c'est au sujet de la pacotille… ???

Je vous explique : " Pour nous la douane maritime est très sévère, pour vous c'est comme revenir d'Andorre… vous avez  droit à des cartouches de cigarettes, à de l'alcool…"

Le barman acquiesce : " En plus, vous, les passagers vous n'êtes jamais fouillés, ceux de première et de seconde classe déménagent , emmènent leurs meubles, climatiseurs et tout l'merdier… Nous, on voudrait seulement faire des cadeaux à nos familles…"

En réalité c'était surtout du pastis et des cartouches de cigarettes… mais on leur devait bien ça !


Colombo, île de Ceylan.

  Mon copain de Zurich Freddy, qui m'avait hébergé une semaine à Tokyo débarque. Depuis plusieurs années, entre ses figurations dans des films japonais, ses cours d'allemand, d'anglais et de français, (là, il falait oser... vu sons acccent épouventable !…), Freddy continue son business régulier.

Tous les deux mois, il vient au marché de Colombo acheter des pierres "précieuses" avec des Yens (très prisés), puis retourne au Japon par avion en s'arrêtant à Hong-Kong pour y prendre deux battes de base-ball et une montre "Rolex", tout ce que permet la douane japonaise !

Quant à mon "amie japonaise" Tany, elle a changé son itinéraire, elle va faire escale à Port-Saïd et faire l'Egypte et ses pyramides !

Je lui demande en anglais : "Tu n'as pas peur toute seule ? - J'ai l'habitude, j'ai déjà fait les Indes en stop ! " J'étais interloqué ! C'était pas l'bistro "Chez Popoff ", rue de la Huchette qui l'aurait effrayée !


 

 Suite à la page :

A Paris au "Marché des musiciens"

 

 

 

 

 

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