Rencontre d'un phénomène : ZABO

Rencontre du dessinateur  : ZABO

Début octobre 64 : "C'est toi Lulu ?" Un drôle de personnage m'interpelle de la rue. Il a quelque chose d'un Philippe Clay avec, sur le visage la joie de vivre en plus.

"Je te cherche depuis ce matin... Au "Fugestudo", on m'a dit que tu habitais le quartier "Komagomé". Alors j'ai demandé dans un poste de police s'ils connaissaient un "gad jin" français dans le coin. Ils ont téléphoné pendant une heure… sans doute à tous les postes de police… Ils m'ont offert le thé pour me faire attendre… Puis, ils se sont mis à parler très fort au téléphone…, un poste avait ta fiche de "gad jin"… Alors, ils m'ont accompagné jusque là".

Il continue : "J'ai entendu parler de toi par une jeune chinoise rencontrée à l'Alliance française de Singapour… Moi, j'arrive à Tokyo pour encourager Kiki Caron".


En fuite... du Laos...

Zabo s'installe, le courant entre nous passe tout de suite. Il me raconte qu'il vient de fuir le Laos où il était resté plusieurs mois, fou amoureux d'une prof de Français, mariée… : "Son mari m'acceptait comme l'amant officiel et c'est moi qui dérouille…".

Je lui raconte aussi ma fuite de Paris … pour des raisons similaires sauf que je n'étais pas l'amant mais le mari qui n's'en foutait pas !


...amoureux du Brésil ...

Ses récits de voyage sont enchevêtrés, à travers de nombreux pays. Il n'est pas rentré en France depuis 4 ans. Plein d'enthousiasme, il me parle de la Patagonie, de la terre de feu où il a failli mourir de froid, du Brésil où il a appris le portugais par amour des bossas novas. Il connait Jobim, me montre des pas de danse !

Plus tard, Zabo apprit l'espagnol en traversant en stop tous les états de l'Amérique centrale…! "Plus je me rapprochais de l'équateur plus c'était long par rapport à la carte ! …" Il me parle longuement du Mexique, puis des USA, du Québec, où il est allé voir Gilles Vigneau à Natashkuan, au nord du St Laurent.


"Après mon départ, quand j'ai planté ma tente à Fontainebleau, il pleuvait, je me demandais si je ne ferais pas mieux de rentrer à Paris !! " Mes péripéties japonaises le font rire, il connaît bien le Japon pour y être déjà tombé amoureux. "Eh !, tu t'rends compte, c'est l'seul pays au monde où tous les films sont en V.O, tu peux imaginer ?, quand t'as un coup d'blues, tu peux aller voir "Pépé le moko...ou Belmondo !

Au Japon, il se replonge dans ses amours passées, il me parle d'une "Masako". Notre discussion reprend son mode sentimental. L'émotion passe comme en musique du mode majeur au mode mineur. Je lui parle de mon gamin et de ma femme, ils me manquent… Zabo est dessinateur humoristique, un peu cinéaste, admirateur de Tati et d'Etaix... Mais on lui a volé sa caméra de 16 mm. Il a traversé l'Inde avec un écriteau : "no papa, no mama, no love, no money" ! Il a été invité par de grandes familles indiennes dont les enfants apprenaient le français pour leur culture. Zabo se débrouille bien en vendant ses croquis dans les journaux, toujours des scènes de rue qui font rire. "En Inde, j'ai bien vendu, surtout des B.D. où les pakistanais avaient toujours le mauvais rôle !"


 

Après vérification auprès de Daniel Zabo, ces petits films ont été tournés à Tokio en 1966 et non en 1964.


Les rencarts au Japon :

Dessin paru dans la revue pour jeunes filles "Chercher la femme"Dessin des rencards 1

Mon expérience à Tokyo

 Daniel est curieux de mon expérience. "Et toi, raconte... -Dès mon arrivée en avril, j'avais remarqué que la population était jeune et de petite taille. Mes 1m 68 me situaient parmi les quelques grands japonais. Cela me faisait drôle de dépasser tout le monde, d'être repéré !! 

Et puis, dans les trains ou dans le métro, j'ai souvent été l'objet d'un petit manège… - Ha! les petits papiers ? - Oui !, au bout de 10 mn, un petit papier arrivait vers moi de mains en mains… quelques caractères en katakana et un texte en anglais:  ARE YOU : British ?, Italian ?, Germain ? Spanish ?... Je n'avais plus qu'à remplir d'une croix la case correspondante et renvoyer le papier à mon voisin (e) qui, lui, faisait suivre le trajet inverse." 

Zabo se marre !  "Quelques instants plus tard, une gamine arrivait, c'était toujours une fille !... ". … elle arrivait le plus souvent avec un livre de l'institut franco-japonais, quelquefois un " Cahier du cinéma " ou un livre de littérature : Camus, Sagan, Sartre ! Tous ces bouquins étaient griffonnés au crayon, sur toutes les pages, par d'innombrables caractères japonais…

- Lulu !, ça s'est unique en Asie, les japonais ont une soif incroyable de culture... - Je devais, entre plusieurs stations, m'improviser répétiteur d'une série de mots comprenant des "L" ou des "R"

- Oui, ces sons sont identiques pour l'oreille japonaise… - mais là c'était la rigolade, j'attendais leurs contorsions en leur lisant un mot imprononçable pour eux, le fameux " réfrigérateur" cela devenait vite un concours de grimaces … ça déclenchait des fous rires autour de nous !! Puis sans prévenir, l'inconnue se précipitait pour sortir du wagon...

- Et t'avais droit à sa carte de visite.! - … au bout d'une semaine, j'avais une dizaine de cartes écrites en katakana, seul, le numéro de téléphone était en caractères arabes… Quant aux filles que j'avais repérées pour leur charme, elle devenaient " la fille au pull jaune", "au manteau rouge"… Un vrai casse tête ! " (voir dessin plus haut !)


 Les Olympiades 

10 Octobre 64 : Tous les soirs, nous sommes au Village Olympique. Au début, on s'est heurté à des gardiens hermétiques. Impossible de les amadouer. Quelques sportifs chahutaient derrière le grillage. Zabo, à l'écoute, a vite repéré qu'ils étaient brésiliens. Il les interpelle, se met à plaisanter avec eux… Vingt minutes plus tard, on est repassé impassibles devant les gardiens, Zabo avec une carte de boxeur et moi avec une de basketteur ! (Vu le nez de Zabo et ma taille de 1m, 67, c'était tout de même un peu osé !).

Le premier soir, on a mangé avec les français, tous faisaient la gueule, l'atmosphère était lourde, on n'a jamais compris ce qui s'était passé autour de Christine Caron …

Zabo, fortement déçu m'a entraîné, juste à côté, dans le pavillon des brésiliens. Chez eux, médailles ou pas médailles, les soirées tournaient rapidement "carnaval". Plusieurs sportifs, issus d'écoles de samba, donnaient vie à tout objet qui pouvait entrer en percussion "batucada", j'ai vite compris que je ne pouvais pas revenir sans ma guitare…


Au "Quartier "Ginza"

Le "Savoy Club". Pendant ces soirées délirantes, Tanaka et Yoko me cherchaient du boulot à Ginza, les Champs Elysées de Tokyo. Tanaka avait un ami pianiste eurasien (Les eurasiens sont exceptionnels au Japon).

"Monsieur Jean" est né au Japon d'une mère française et d'un père officier japonais mort par Hara-kiri à la défaite japonaise. Sa mère lui avait appris le français, mais sans notre Culture. En fait, la pensée, la logique du fils était complètement japonaise. "Monsieur Jean" parlait très bien français mais ne savait jamais répondre aux questions qui me préoccupaient : il était toujours surpris par ma curiosité.

11 64 savoy club ginza

Chaque petit rectangle est un bar-club

J'ai donc travaillé au "Savoy club", en haut de cet immeuble, dans cette rue encombrée de taxis et éclairée comme en plein jour. Des enseignes superposées au niveau de chaque étage semblaient empilées sur les portes d'entrée.

Un soir, distrait, je suis sorti de l'ascenseur sur un autre palier… Paumé, j'ouvre les portes du couloir les unes derrière les autres : ce n'était que des bars ! Certains, minuscules à 2 tabourets et un barman (des bars pour discussion d'affaires d'après Tanaka). Dans la plupart, une dizaine ou une vingtaine d'hôtesses en kimono ou en habit occidental et louées à l'heure attendaient devant de petites tables.


Chanteur au "Savoy Club"

Je suis resté un mois, chanteur au "Savoy Club", un salon de 12 hôtesses où les hommes viennent seuls, sans leur femme, confier leurs soucis à de ravissantes compagnes. La location d'une hôtesse coûte excessivement cher… Pendant les Jeux Olympiques des français ce sont fait littéralement vidé leur travelling-chèques !

J'ai vite remarqué que les clients japonais ne sortaient pas un yen…. Ils payaient avec leur carte "Sony", "Mitshubishi", "Mitsui" ou autres… En effet, à partir d'un certain grade dans la hiérarchie de ces compagnies, tout devient gratuit !. Evidemment, les clients ne venaient pas pour moi, j'étais là comme un "exotisme" offert aux clients.

11 64 douze hotesses 1Par contre, j'étais très chouchouté par les hôtesses en attente de réservation  (mais c'est tout !).    Photo et affiche dessinée par Zabo

11 64 au savoy a ginza 2

Extrait de chansons demandées au Japon : Vous pouvez écoutez ces chansons, dans la page précédente "Vie d'un musicien à Tokyo" : Le danseur de charleston  (Jean-Pierre Moulin). : Les feuilles mortes (Prévert/Kosma), Quand je monte... ( Salvador)  et :  J'ai du soleil plein la tête (Hornez/Crolla).


12 64 sortie des clubs zabo super net


Des musiciens à la pelle…

Ils travaillent tous dans ces genres de salon que je viens de décrire, ils sont sans doute des dizaines de mille rien qu'à Tokyo ! De temps en temps, Zabo rentrait avec moi, ces interventions au micro avec ses quelques mots de japonais recelaient des talents de clown qui semblaient être appréciés surtout des hôtesses. Evidemment son numéro continuait dans le métro...


Les métros du soir...

Les métros sont de véritables trains, très longs, de 300 à 400m. Les quais de leur stations sont donc comparables à ceux de nos grandes gares. Tous les horaires des sorties de ces clubs sont synchronisés.

Le métro des filles... A partir de minuit, les clients quittent ces "salons" les premiers. Les rames sont bondées, il n'y a que des hommes, beaucoup sont éméchés. Vingt minutes plus tard des centaines d'hôtesses prennent les métros suivants et les derniers métros sont réservés aux musiciens…

Evidemment, avec Zabo, on se trompait toujours afin de se trouver au milieu des filles ! Deux mecs dans un wagon au milieu d'une centaine de beautés cherchant toutes à ressembler à Sofia Loren ou à Brigitte Bardot ! Notre présence insolite déclenchait aussitôt un fou-rire général ! On se retrouvait à la maison, les poches pleines de fruits, de gâteaux et même des cuisses de poulet laissés sur des tables et offert par nos copines hôtesse !


Puis, le métro des musiciens... Enfin, les derniers métros était tout autant bondés de musiciens avec étuis de trompette, de violon, de saxophone; de clarinette... pour ne pas tous les nommer. Aucune femme ne semblait admise dans leur wagon ! Il faut dire que les quartiers Ginza et Shimbashi possèdent des cabarets gigantesques où une centaine de danseuses peuvent évoluer sur la scène… Les revues sont légions chacune ayant son  "Big Band". Dans ces lieux prestigieux, 500 hôtesses ou plus… peuvent accueillir 500 clients.

Sept années plus tard, notre "Duo Francine et Philou" sera  invité par le frère du Roi d'Arabie Saoudite dans un de ces lieux célèbres : Le Copacabana" de Tokyo. J'y reviendrai… (voir les pages concernant le "Duo").


La question qui fache...

Un jour, j'ai posé à Tanaka la question que tout français se pose : comment peut-on approcher ces belles filles ? Après un silence embarrassé , il me répond : " En principe, les hôtesses ne sont là que pour faire parler le client, le distraire et c'est interdit de sortir du club avec lui…, ils peuvent se téléphoner…" dit-il en riant !. " Mais si le client insiste et si la fille ne veut pas…? - Si c'est un gros client, la "mama san" fera comprendre à l'hôtesse qu'elle devrait être plus "gentille" !! -Au risque de la renvoyer si elle refuse ? " Ma question est abrupte et j'ai senti mon ami Tanaka gêné, très embarrassé, comme si je lui demandais de trahir son pays...


Une aventure inédite :
Un soir, après avoir chanté au Club-Savoy, je suis monté, en force, dans le wagon bondé des hôtesses. Je me suis retrouvé tout à la fois poussé puis coincé devant une petite femme qui m'arrivait à l'épaule, à chaque station la poussée devenant de plus en plus forte, elle s'est retrouvée, sans un mot, dans mes bras. "Comagomé", où je devais descendre, était la prochaine station. Je n'ai pas osé la déranger, elle semblait si bien... Après 6 ou 7 stations, je suis descendu avec elle.
Toujours sans un mot, on s'est couché, aimés, peu dormi..!
 
A 6 h son réveil sonna... "Be fast, be fast, my hasband is comming." Dix minutes plus tard, je me suis retrouvé sur le quai d'une gare dont toutes les indications n'étaient écrites qu'en katakana japonais ! J'étais loin, en grande banlieue !
 
J'ai demandé au chef de gare : Ginza ?... Il m'a mis dans le bon train. Charmante petite japonaise, je ne connais pas ton nom et toi, tu ne connais pas le mien ! Plus tard, en 65, lors de mes vacances à Tokyo, Masako, l'ancien amour de Zabo me donnera une explication..
La drague dans le métro !

Zabo dan le metro 64

ça t' rappelle rien Daniel ?? (ça t'a permis de faire cette page dessinée !!!) 

Dessin sur les blennos 2


Les "O furo's" japonais.

A Tokyo la température descend rarement au dessous de 4°. Avec Zabo, on fait comme tout le monde. Sans chauffage, on va se réchauffer au "O Furo" de notre quartier.

Les "O furo" sont des lieux de vie où les hommes et les femmes de tous âges  viennent tous les soirs se laver avant de se tremper quelques minutes dans un bassin où la température de l'eau oscille entre 40 et 42°. Pour aller au bain fumant, on traverse une petite salle encombrée de minuscules tabourets en bambou sur lesquels, à tour de rôle, chacun se lave à grands seau d'eau, puis, les uns, les autres se massent et, tout en discutant se rasent la tête… A 42°, ça brûle mais ça réchauffe tout le corps pour une partie de la nuit !

Avant l'arrivée des américains, on m'a raconté que les "O furo's " étaient mixtes … Quelle horreur pour les américains ! Les nouveaux conquérants les ont aussitôt interdits. Il fallait bien leur inculquer les "bonnes manières" à ces sauvages!

Zabo a froid

Zabo à froid !


Une démarche à domicile.

Vers le 15 décembre :  Un français, la trentaine, est venu nous voir à Komagomé. Sur les tatamis, déchaussé mais en costume cravate, on s'est tout de suite méfié. Il se disait envoyé par le mouvement "Sokagakaï" de Paris, un nouveau parti bouddhiste qui commence à avoir une centaine d'adeptes en France.

Durant plusieurs heures ce monsieur a essayé de nous persuader que nous ne pouvions qu'être angoissés à vivre une vie aussi instable. " Vous êtes sur un radeau au milieu de la tempête… pourquoi ne pas accepter une bouée et rejoindre une notre grande famille ? Et Zabo de répliquer : "Mais sur notre radeau, on est bien, on n'arrête pas de rigoler! " 

Les jours suivants allaient nous le confirmer… Le VRP est parti déçu, sur son rapport : on est certainement qualifiés d'instables, voir : d'irrécupérables


"Chercher la femme" 

Depuis 2 mois, chaque semaine, Zabo a une page à faire dans "Chercher la femme" : un hebdo pour jeunes filles. Aussi, dans le "métro des filles", ou dans la rue, on se creuse le ciboulot pour trouver des sujets de drague qui nous font rire.

Cette page ayant, paraît-il un gros succès, une journaliste de l'hebdo est venue nous interviewer (en anglais) à la maison afin que l'on se raconte, tant sur le plan sentimental que sur notre façon de vivre, nos espérances etc.

Avec Zabo et grâce à sa pratique de l'anglais autour du monde (pour une fois, il était sérieux !), on s'est appliqué, on a essayé de parler de notre bonheur, de nos métiers qui nous permettaient de pouvoir vivre comme on l'entendait… qu'un mois de travail assuré permettait de projeter un choix de liberté…


En première page de l'hebdo !

11 64 article cherchez la femme On a eu 4 pages dans cet hebdo ! Dès le lendemain de la parution, un titre en japonais : "Chercher la femme ou les bohémiens de l'amour autour du monde"                                                                  Nos conversations sérieuses n'avaient nullement intéressées la journaliste !!


Comme des vedettes...!

Dans 8 mois, mon visa arrivait à échéance..... Jusqu'à mon départ prévu à la fin décembre, on a reçu une pluie de rendez vous …! Souvent des groupes de 3 ou 4 jeunes filles, mais aussi des filles seules, ce qui nous obligeait à mettre un chiffon rouge à la fenêtre…

Pour les groupes, on leur préparait une pile de crêpes. Elles les goûtaient du bout des lèvres dans une ambiance de collégiennes.

Je leur chantais des bossas novas pendant que Zabo leur en montrait les pas. Malgré cela, à chaque visite, la chute semblait la même : soudainement, l'une d'entre elles regardant sa montre, donnait le signal du départ… En une minute, les oiseaux s'étaient envolés, on restait avec notre pile de crêpes… Ce scénario s'est produit plusieurs fois avec des collégiennes en uniforme de 15 ou 16 ans.


Les 2 gamines

Photo de Zabo


C'est plus pour de rire !

Ces soirées ont commencé à se gâter le jour où une fille d'une vingtaine d'année ayant jeté son dévolu sur Zabo est restée une nuit, puis deux… Le chiffon rouge (ne pas déranger...) ne lui faisait aucun effet ! Quelques jours plus tard, elle s'est ramenée avec un gros sac de riz de 10 kg… puis, lorsqu'elle à parlé de télé, on a dit : Stop !


Après avoir lu l'article, Tanaka nous a appelés en rigolant : "Alors vous voulez vous marier au japon ?, c'est une bonne nouvelle !!  Mais, votre propriétaire n'est pas contente du tout, elle a fait tous les points de vente du quartier pour racheter les numéros vous concernant, elle est en colère, elle a perdu la face !  En fait, le texte japonais ne parlait aucunement du sérieux de nos conversations, de nos propos tenus concernant nos libertés ... La journaliste avait décrit et sur 4 pages, notre "ennui" de se sentir seuls au Japon…


Des musiciens français…?

Monsieur "Jean", le pianiste m'a emmené un soir visiter des musiciens français au "Club Rat mort", ce club était un des rares qui produisait un trio français. Nous sommes arrivés pendant leur pause, les trois hommes jouaient aux cartes.

Ils étaient à Tokyo depuis 4 ou 5 ans, toujours dans ce même lieu. Leur répertoire était pratiquement le même que le mien, mais joué à l'accordéon. Monsieur Jean m'a précisé qu'ils gagnaient énormément d'argent car ils étaient venus de France sur un gros contrat, lequel était tous les ans majoré sans avoir à le demander !… Et que, c'était ainsi au Japon…

Là, je découvris l'énormité de ma réaction à "Canot Bar" face aux habitudes japonaises.


  Au "Club Elite Son's"

Mr Jean vient souvent me rendre visite au Club "Savoy" pendant les poses de son orchestre. A chaque fois, il discute avec la "mama san". Je ne saurai jamais quelle tractation s'est élaborée au dessus de ma tête, toujours est-il qu'à la fin novembre, il m'a fait  miroiter l'idée que je pourrais venir chanter dans son orchestre et que je serais très bien payé.

Je lui avais indiqué que je devais quitter le Japon avant le 7 janvier car mon visa de 8 mois expirait.

Il m'offrait : 24.000 yens pour la seule semaine précédent Noël ! C'était inespéré, juste avant de quitter le Japon… J'étais déjà tout excité à l'idée de me baigner dans la culture d'un autre pays, un peu moins organisé, un peu plus nonchalant, Zabo me faisait miroiter le charme de l'ancienne Indochine.

Et puis retrouver Hong-Kong, si spectaculaire, avec ses plages à un quart d'heure du centre ville… Ici, à Tokyo, chaque heure passée intrigue… mais, à force de n'en rien comprendre… ça fatigue…

J'ai tout de suite accepté cette nouvelle affaire au "Son Club" du 20 au 27 décembre surtout que la rythmique était très correcte avec un guitariste qui copiait Barney Kessel à la perfection et un excellent batteur qui swinguait.

Le "Son Club" était plus chic et plus grand que le "Savoy", il devait y avoir 25 ou 30 hôtesses plus une demi-douzaine de barmen, c'était une nouvelle expérience…

12 64 fin d annee au club elite sonAu  "Club Elite Son" avec cet excellent quartet de jazz. Monsieur jean est derrière son piano à queue ! morceaux choisis par le groupe : Les feuilles mortes (Prévert /Kosma)  et C'est si bon ! (Henri Betti)


Au Mont Fuji.

De son côté, mon amie Yoko nous parlait depuis un certain temps d'une grande fête qui allait se dérouler en décembre au Mont Fuji. En réalité, c'était un rassemblement "Sokka ga kaï " de plusieurs dizaines de milliers de personnes, ou plus.

Sur place, Yoko nous a présenté aux personnalités organisatrices qui nous ont placés dans les premiers rangs parmi d'autres "gadgin's". (honorables étrangers).

Devant nous se dressait un immense "autel de curé " pour prêcher la bonne et sans doute l'unique parole. Puis, Yoko me passa mon chapelet bouddhiste (qu'elle avait conservé !).

Un silence pesant s'est alors approfondi, remplacé progressivement par un bourdonnement très grave qui s'est amplifié… J'ai senti mes poils se dresser et sans doute mes cheveux… une telle foule qui psalmodie sur une même note, très grave (sans doute un mi) dégage une puissance magnétique qui m'était inconnue… La prière a suivi : "La lé gné la lé gné kio, "La lé gné la lé gné kio", m'a rappelé ces heures (contrôlées par un réveil !) qui n'en finissaient pas chez Yoko, ces "préludes obligatoires à l'amour" qui raccourcissaient sévèrement nos nuits…

La peau encore vibrante, fraiche, j'avoue avoir été secoué. Zabo à côté de moi, s'est vite aperçu de mon état : "T'inquiètes pas, j'ai ressenti les mêmes effets dans les macumbas au nord-est du Brésil et les condonblés en Haïti… C'est au moment où les photographes s'approchaient des ga djin's que l'on a pris la fuite discrètement. Je découvrais que cette secte "Sokagakaï" comme toutes les religions, c'était pas de la rigolade...

En ce qui me concernait, il valait mieux que je déguerpisse… (Des années plus tard, cette secte deviendra le 3ième parti gouvernemental !

Beaucoup plus tard, à Paris en 68, Masako, venue en stop avec Zabo depuis son Japon me fera remarquer leurs groupes, tous derrière leurs petits drapeaux devant les devantures de bijoux de l'avenue de l'Opéra à Paris. "Tu vois Lulu (à prononcer entre Ruru et Lulu…) si tu étais resté au "Sokagakaï" : tu porterais un petit drapeau et tu serais chef !!


Départ...Yokohama...

31 décembre 64 .  Freddy le suisse, Tanaka que je retrouverai à Paris en 67, Mr Jean et Zabo étaient à l'embarcadère du "Cambodge" l'un des paquebots mixtes des Messageries Maritimes.

Comme à chaque départ, des centaines de guirlandes reliaient le navire au quai… avec des dizaines de familles en larmes, serrant leurs enfants partant étudier en Europe. Je n'oublierai jamais ces mères, leurs cris de douleur déchirants, accentués à chaque rupture d'une nouvelle banderole… Nous aussi, on avait les larmes aux yeux.

Zabo avait raison : "Dans les voyages, le plus difficile c'est de quitter ses amis". Trois jours plus tard, un nouveau style de vie, une aventure musicale d'une année, d'autres amours, complètement différents m'attendaient à Hong Kong …


Suite dans la page :

Show-biz à Hong-Kong en 1965

 

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