Vie d'un musico à Hong-K. 65

 Vie d'un musicien à Hong-Kong

1965

(Extraits des "Aventures picaresques d'un jazzman autour du monde")

3 65 carte hong kong

Jour de l'an 1965. Je quitte quand même le Japon avec un petit serrement de cœur, Zabo pense y rester un an, il est apprécié comme "cartooniste" et puis, il me parlait si souvent de sa Masako… Il n'aime pas du tout Hong-Kong où, d'après lui, tout n'est que business…

Deux mille kilomètres plus au sud, sous le tropique du Cancer, c'est un hiver printanier qui laisse glisser le cargo mixte "Laos" entre les îles de Hong-Kong.


Jean, le polytechnicien

Quatre jours plus tôt, à l'embarcadère de Yokohama, j'avais rencontré un français : "Jean" . Il est polytechnicien, parle parfaitement anglais et vient à Hong Kong pour transformer son visa de touriste japonais en visa de travail. Il a trouvé un emploi au Japon. Pour poser nos bagages, il me propose de prendre une chambre à deux au YMCA, à Kowloon à deux pas du "Sea Terminal". Les YMCA sont très stricts me dit-il mais on peut y échanger des tuyaux avec ceux qui y habitent depuis un certain temps.

Jean m'explique : "Ici, comme en Angleterre, les administrations font le pont "New Year" ! Sur le ferry-boat, en direction de l'île de Hong Kong... il me montre du doigt un building de 20 étages, C'est le "Hank Sang bulding".

Au 12e étage, c'est l'Alliance Française, tu trouveras "Le Monde", le "Canard"  et des jeunes filles qui cherchent à parler français… Le Consulat, lui, est au 10 ième étage, en général, quand tu as besoin d'y aller c'est que tu as des emmerdes !

Pour traverser, tu prends le ferry : c'est à 100 mètres, tu suis la file des chinois, tu paies 10ct de H.K.dollars (0,9 centimes de francs !), Quand un ferry part, tu attends 4 mn et le suivant arrive, c'est comme cela jusqu'à 2 heures du  matin. La traversée dure 8 mn. A l'embarcadère, sur la droite, tu longes le quai des "sampans".

En bavardant, j'apprends rapidement où sont mes repères ! Une phrase de Zabo me revient à l'esprit : "Si tu as pu te démerder pour vivre au Japon, tu le pourras dans n'importe quel pays du monde …"

C'est vrai, ici, même si l'on conduit à gauche, les rues ont des noms, les maisons possèdent des numéros et les plans restent dans le bon sens ! (Voir pages concernant le Japon...)

1 65 2 la traversee du boulmich

La colline, l'île de Hong-Kong vue d'un ferry qui vient de Kowloon


La découverte de Kowloon.

Loin des écoliers japonais qui traversent en rang, drapeau en tête, en tenues immaculées et qui attendent les passages aux feux verts, les petits chinois grouillent dans tous les sens, pour la plupart nus pieds, dans Nathan Road.

 Nathan road,  c'est cette grosse arête de poisson qui monte vers le nord : vers les "Nouveaux territoires" en bordure de la frontière chinoise.

Les européens, eux, sont cantonnés autour des administrations, des banques et des hôtels. 500 mètres plus haut, quelques touristes amoureux de l'insolite, tels des Cartier Bresson, flânent à la découverte de scènes de rue.

Au sud, au bout de la péninsule de Kowloon, sur un demi-km², toutes les activités sont concentrées : le "Sea Terminal" avec ses départs de ferrys pour différentes Iles : Hong Kong, Lantao, Lama et Macao.

Puis, des hôtels internationaux : "Le Péninsula Hôtel", le plus ancien, très victorien, dans lequel, 7 ans plus tard le Duo Francine et Philou animera tous les soirs l'un de ses bars, pendant 6 mois...  le "Hyatt Hôtel", le "Hong Kong Hôtel" Zabo mettra, quelques années plus tard, tout son talent dans une gigantesque fresque qui fera le tour de son bar.

Chacun de ces grands hôtels possède son Big-Band avec attractions et un ou deux quartets dans leurs "lounge bars" ou leurs halls d'entrée. Enfin l' "Ambassador Hôtel" et son "Sellar-Bar" où j'ai chanté pendant 3 mois...                              

2 65 les 2 vendeurs

Le" business" commence très tôt à Hong-Kong


Les "Chungking Mansions".

Sur Nathan Road en face du "Hyatt" : les "Chungking " Ils sont constitués de deux immeubles de 17 étages dont les galeries marchandes s'étalent sur tout le rez-de-chaussée et son 1ierétage. Quatre ascenseurs desservent les étages supérieurs.

A partir du deuxième, vous entrez dans des familles chinoises, chacune d'entre elles loue une dizaine de chambres minuscules, pourvues d'air conditionné. Certaines chambres n'ont pas de fenêtre du tout… Au mieux, elles donnent sur une cour intérieure, devenue une poubelle gigantesque dont les ordures atteignent le premier étage… Autrefois les habitants de Hong-Kong habitaient sur des jonques… et la mer leur servait de poubelles… l'habitude persistera des années…

Dans les galeries marchandes, on peut se servir de n'importe quel téléphone, il est gratuit dans toute l'enclave britannique. Dans les Chungking , on trouve tout le matériel Hi Fi à prix d'usines japonaises. Les boutiques de tissus sont gérées par les indiens Sikhs.

On doit entrer dans ces galeries étouffantes de chaleur crée par les néons, pour accéder aux 4 ascenseurs toujours pleins. Plus on monte et moins les chambres sont chères. Dans les chambres du 3ième et du 4ième on rencontre beaucoup d'Européens, d'Australiens, d'Américains, voyageurs de passage, mais aussi des journalistes, ethnologues, linguistes, tous attendent un visa pour la Chine.

Pour ces deux dernières disciplines, les subsides alloués par le CNRS  leur donne juste accès aux "Chung-king"!. Tous ces voyageurs prennent le même "break first" entourés des nombreux musiciens philippins du shows business.

A partir du 14 ième étage, la bonne odeur des cuisines envahit l'ascenseur, celle du carry remplace celle de la cuisine chinoise, enfin tout en haut vivent les familles sikhs puis pakistanaises qui louent leurs chambres à leurs coreligionnaires.

2 65 les gamins a kowloonNous, qui sommes les kouélos sont toujours un sujet de rigolade ou de mépris.


Le "Back Room".

Jean, le polytechnicien, m'avait parlé d'une boîte de Jazz à Kowloon… Dans Nathan road, un peu plus haut que les "Chungkings", je tombe sur une pancarte : "Tony Scott Quintet to night in Back-room". Je n'en reviens pas ! Le Back-room  est un couloir avec le bar sur le côté, puis 6 ou 8 petites tables, au fond une estrade de 6 m² et 4 jazzmen philippins : piano, batterie, contrebasse et un guitariste estropié d'une main, il tient sa guitare à plat sur ses genoux, sa main valide exécute les accords tandis que son moignon sur lequel est attaché un morceau de métal glisse ou frappe les cordes : un étrange style mais qui ne l'empêche pas de swinguer… un génie de la débrouille !

Je reconnais Tony Scott pour l'avoir vu sur des couvertures de disques de Jazz. Sa clarinette posée devant lui sur une table, il converse amoureusement avec une japonaise qui semble-t-il attend un bébé.

Je me présente, mon anglais est devenu moins scolaire que celui que j'utilisais" sur le "Laos", par contre, son accent américain me déroute … Je lui parle des musiciens US que j'ai eu le plaisir d'accompagner en France : Bill Coleman, Jimmy Gourley, Roy Hayes, Chet Baker… etc..

Tony me présente à sa femme puis m'invite à faire un bœuf. Je n'ai pas joué de la contrebasse depuis 9 mois… Ai-je encore de la corne au bout du doigt ?... Son répertoire me rassure, il joue pour le public, des ballades et des tempos médiums. Il a l'air satisfait, et, à la pose, parle à son bassiste.

J'apprends que celui-ci cherche un remplaçant depuis une semaine, on lui propose une affaire en or au Viet-Nam : 10.000 H.K. Dollars (9000F) pour aller jouer 15 jours renouvelables dans un camp américain. C'est pour lui 6 mois de salaire !... J'accepte de le remplacer pour ces 15 jours. Servi par cet heureux hasard, j'étais depuis seulement 3 jours à Hong Kong et déjà au côté de Tony Scott!, que pouvais-je demander de mieux…?

Tony Scott me demande de chanter en français les "Autumn leaves" et "Que reste-t-il de nos amours". Il adore entendre les français parler entre eux : "French language seems to be a bird song…" ! Dit-il...


 A l'Alliance Française. diana-2.jpg

 ... Hang Seng Bulding, c'est celui là… Au 14 e étage : la porte de l'ascenseur s'ouvre sur un coin de France, "Revoir Paris" la chanson de Trenet ne m'a jamais paru si chargée d'émotion… A part les déconnades avec Zabo, cela fait 9 mois que je n'ai pas entendu des conversations entre français…

Avec beaucoup de classe, une dame me demande si je viens d'arriver avec le "Laos". Elle a senti celui qui débarque…, avec mon costume de velours, je n'ai vraiment pas la touche d'un businessman ni celle d'un hippie : "Je suis musicien et je remplace pour quelque temps un bassiste au "Back Room" à Kowloon

"On ira vous applaudir ! Mais tout d'abord, téléphonez-nous pour prendre un pot au "Hong Kong Club", tenez voici ma carte …" Je lis : Mr Duchemin, Manager'Hong Kong Club" Connaught Road Central. Puis elle entre dans une salle.

Je consulte les journaux dans un fauteuil face à la baie. Janvier est tout ensoleillé… Quantité de cargos sont sur bouées, les ferrys sillonnent la baie, transportent une partie de la population le matin pour la ramener le soir… Ce ballet est fascinant…

Une sonnerie, c'est la sortie des classes, une jeune chinoise, petite mais admirablement proportionnée, sort de la classe de Mme Duchemin. Elle vient vers moi… "Je ne parle pas très bien le français, je ne suis qu'en 3ième année. Avec le charme qu'elle a , je n'en demande pas tant ! Et puis, tout s'est passé très vite, elle était libre l'après midi et la soirée.

Elle s'appelle Diana. Dans une voiture américaine, trop grande pour elle, elle me fait visiter la colline de Hong Kong. On s'est arrêté au Pic, au sommet de l'île, à plus de 500 m et après des détails que je ne me permettrai pas d'évoquer ici…, j'en suis tombé follement amoureux…

Du "Victoria Peak", Diana me montre la maison des Duchemin : "C'est le bâtiment blanc, au bord du terrain de polo. -Ah oui ! Je l'ai vu en arrivant avec le ferry, on dirait un gros gâteau à la crème.  Elle éclate de rire ! 

Plus tard, je ferai connaissance avec la Famille Duchemin. Ancien directeur d'un grand hôtel à Hanoï, cette famille est descendue à Saïgon après les bombardements de Haïphong en novembre 46.

Comme la plupart des français qui vivaient en Indochine, les évènements les poussèrent à se disperser au Laos, en Nouvelle Calédonie et même en Australie. Mr Duchemin, lui, accepta un poste de gérant au "Hong Kong Club".

Particularité de leurs trois filles de 8, 15 et 16 ans : elles s'engueulent en cantonais, parlent entre elles et avec leurs copains en anglais et conversent avec leurs parents en français, la plus hésitante de leurs 3 langues. Pour les curieux qui peuvent se poser des questions : elles ont eu comme nounou des vietnamiennes d'origine chinoise.


La bande à Belmondo.

Un soir, un groupe d'une dizaine de français débarque au Back room.  Ils viennent fêter l'anniversaire d'Ursula Andress. Simone Duchemin m'avait déjà signalé que l'équipe Belmondo venait d'arriver pour tourner un film... et qu'ils occupaient une suite prestigieuse du Hong-Kong Hilton…

A la fin du dernier set, Tony Scott présente ses musiciens philippins puis se tourne vers moi pour ajouter : "And  specialy for you … to night we got a french bass player : mister Lucien Blot....

A la fin d'un set, Belmondo m'invite à partager le gâteau d'anniversaire, m'explique en riant avoir pris quelques cours de basse avec Pierre Michelot pour apparaître dans un trio au début du film " Peau de banane". L'équipe dégageait une atmosphère de copains autour de la star et de Philippe de Broca.

"Bebel" leur raconte ses aventures de la matinée : " Ça m'a fait tout drôle de m'balader tranquille, sans faire gaffe… Ce matin, j'suis allé à la plage à "Repulse Bay". J'ai essayé d'bavarder avec un groupe de 3 jolies chinoises et j'me suis fait j'ter comme un malpropre, l'une d'elle m'a jeté : "You're a teddy boy ! " (mal élevé), ça fait 15 ans que j'n'avais pas ramassé un bide ! Quel pied ! "

Je recevrai plus tard cette même insulte, après avoir adressé la parole à ma jolie voisine sur le banc du ferry !

Ce soir, le metteur en scène Philippe de Broca est à la recherche d'un bricoleur astucieux capable de lui faire un système qui puisse détacher le side-car de la moto au moment voulu… Le gérent du Back-room lui a fait connaître un vieux chinois parlant français et qui connaît tout sur Hong-Kong… En revoyant  "Les tribulations d'un chinois en Chine", quelques années plus tard… ce chinois lui avait bien dégoté un inventeur de génie …


Les musiciens philippins.

Après une semaine au YMCA où les filles étrangères à l'établissement n'étaient pas admises, les musiciens de Tony Scott m'ont vite trouvé une chambre dans un "Chungking" où mes amours avec Diana ne seraient plus en odeur de péché !

Tous les matins vers 11h, je prends le breakfirst avec des musiciens Philippins. Entre eux, ils parlent "galapago", avec moi un anglais rudimentaire, identique au mien. Avec des marins latinos, ils parlent espagnol ! Pendant les poses, ils m'emmènent souvent écouter leurs copains qui jouent dans des bars d'hôtels environnants. Ils sont un véritable "Trio mexicain" en habits et au répertoire traditionnel. Leur façon de chanter à 3 voix était à s'y méprendre…

En quittant les Philippines, Hong-Kong, est leur 1ièreétape, la plus proche. Leurs ambitions visent par bons successifs : Bangkok, Singapour et puis, avec l'espérance d'être un jour "découverts"... : Las Vegas ! Tous  rêvent : de vivre comme Elvis avec des  Cadillac's de toutes les couleurs, comme dans les films !


Les "Double six"...

Un matin, le bassiste me montre un disque, qu'il vient d'acheter : il le trouve très bon mais ne comprend pas les paroles ni les écritures de la pochette…

Les noms de Georges Arvanitas, de Daniel Humair, d'Eddy Louiss  me sautent aux yeux… : "Les double six", un nouveau groupe ?

On l'a écouté dans sa petite chambre de 3 m². Comme à Tokyo, au vernissage des "Parapluies de Cherbourg", je n'étais pas peu fier de lui dire que tous étaient des musiciens français... avec lesquels  j'avais joué de la basse avec certains d'entre eux ... Voir la page : (1964 au Blue-Note).


Souvenirs de Changhaï...

Le pianiste, également philippin, avait 10 à 15 ans de plus que moi, il me parle souvent de ses débuts à Changhaï, à la fin des années 30, du temps des concessions anglaises, françaises, américaines et espagnoles…

Il se souvient de n'avoir jamais tant joué ! jusqu'à l'épuisement : "No stop music while 24 h ! " Ils étaient payés en heures de podium !!

Le matin, ils étaient 3 ou 4 à jouer et, à partir de midi, une dizaine, parfois plus ! La musique ne s'arrêtait qu'un jour par semaine. Les boîtes étaient pleines de marins de toutes nationalités avec 2 ou 3 " filles" pour chacun (ses yeux en brillent encore…). On y jouait beaucoup de charlestons, de jazz et de musiques tropicales.


Le mystère Diana.

Diana vient quelque fois me voir au "Back Room", je ne sais que peu de choses sur elle, ses souvenirs d'enfance se limitent à ceux d'un pensionnat protestant.

D'après les Duchemin, chez qui j'allais souvent prendre le café, beaucoup de filles ont été violées lors de l'invasion japonaise en décembre 1941. Les bébés ont été, alors, systématiquement tués ou abandonnés par les mères.

En occidental amoureux, je raconte à Diana mon mariage, ma déception et ma fuite pour courir après la vie… Elle écoute, se tait, puis, au fil des semaines devine si j'attends une lettre ou si je viens d'en recevoir une…

D'autre part, je n'ai jamais pu savoir son âge exact. Au début de notre rencontre, elle m'avait parlé d'une date, d'un mois…. Une semaine plus tard, elle m'en donnait une autre… " Oui, mais je préfère le mois de septembre, c'est plus joli ! " En fait, je n'ai jamais su où elle habitait, elle mangeait sur le pouce pour venir se blottir dans mes bras entre midi et deux, puis, réapparaissait vers 17h comme toutes les filles sortant de leurs bureaux d'import-export.

On partait en voiture à la plage pour revenir vers 20h, Tony Scott m'attendant pour 21h. Je n'ai jamais pu en savoir plus sur sa vie…


Le "Bay-side".

Pendant mes poses, je descends me régaler au "Bay Side": une assez grande boîte en sous sol au pied du "Chungking".  Ses musiciens philippins me parlaient souvent de celui de Manille où ils avaient fait leurs premières armes… Le bay-side est un lieu où certains jeunes étudiants chinois et étrangers viennent danser.

Sur le podium alternent de 20h à 2h du matin  deux orchestres de 7 philippins. Ces groupes ont des contrats de 6 mois renouvelables. Le premier a un répertoire, chanté qu'il emprunte aux "Beach boys", au "Spencer Davis Group". Le dernier morceau se termine toujours par un show dansé et chanté dans une imitation des "Jackson Five".

Ce groupe, pour les "requests" joue également des morceaux latinos chantés en espagnol et des charlestons.

Là, j'en suis resté baba ! Lors d'une série de standards jazz, le bassiste qui dansant avec sa "Fender", pulsait les 4 temps, digne d'un Ray Brown, (sic), tout en chantant et en imitant à la perfection Franck Sinatra ! Un autre soir, sur un "request" de charleston ce groupe s'est transformé en orchestre N-O avec collectives à l'appui !! 

Plus tard, en 71, en Corée au Chosen Hôtel de Séoul, avec le Duo Francine et Philou, on entendra un orchestre philippin répéter tous les après-midi dans la suite d'à côté… Sous leur porte, une bonne odeur : leur maman cuisinait sur un réchaud les plats du pays !


Les responsabilités des pianistes…

Pour revenir au "Bay Side", je n'ai pas encore parlé du pianiste. C'est lui qui est responsable de la sonorité du groupe. Il est en charge de la programmation des réglages sur la sono "Binson". Il a, sur le côté de son piano un panneau qu'il doit changer à chaque set de trois-quart d'heure. Tous les réglages de chacun des morceaux et quelquefois ceux qui interviennent en cours d'un même thème y sont indiqués. Quelques secondes lui suffisent pour régler le volume de chaque voix, ou de l'ensemble des 3 flûtes qui peuvent apparaître sur un "middle part" etc. Tous ces musiciens chantent à 4 voix, en anglais et jouent  (bien et mème très bien) de 2 à 3 instruments chacun.

Le second orchestre est composé de 5 sœurs et 1 frère de la même famille. Leur répertoire est beaucoup plus apaisant, va de Diana Varwick; Carole King à Astrud Gilberto. Quant à leurs grâces, voire leurs beautés, elles sont mises en valeur dans des tenues différentes à chaque set. Issues de familles pauvres aux Philippines, musicalement douées, elles ne pouvaient qu'être fascinées par les shows d'Hollywood !


Diana vise plus haut...

Quant à Diana, sans me tenir au courant, elle a tout de suite flairé la possibilité de me faire obtenir un engagement plus "sérieux"… dans son esprit, mieux payé.

Au back-room, j'avais le salaire du bassiste philipin que je remplaçais... "Je t'ai pris un rendez vous avec le manager de " Hôtel Ambassador". Hier soir, il est passé au Back-room, je crois qu'il voudrait te proposer quelque chose..." J'en suis resté baba !


Signature du 1er contrat :

1°février 65 : Trois mois comme "entaintener" à compter du 1ier mars. Bien payé, 1400 HK dollars a month, food include (environ 1200F), ce contrat stipule que je dois m'intégrer au groupe Philippin "Freddy combo" du Living room de l'Ambassador hôtel. 

Ce contrat signé, Diana me suggéra alors de prendre un appartement dans le haut de Nathan road (à 3 HK dollars en taxi) et beaucoup plus discret. "Je n'aime pas prendre l'ascenseur dans les Shung King… les gens me regardent et me prennent pour une prostituée…"

Quelques jours plus tard, j'étais à Dundas street avec vue sur le stade de football. Lors du déménagement, j'ai été surpris de constater que je n'étais pas le seul avec des valises. De nombreuses familles chinoises encombraient particulièrement les ascenseurs. On était à la veille du nouvel an chinois qui devait se dérouler du 2 au 6 février. La coutume veut que les familles, en s'agrandissant, intègrent un lieu plus grand "porte bonheur". Diana faisait le nécessaire… !


L'ancien  "Ambassador Hôtel

3 65 a l ambassador hotelA gauche, Nathan qui se prolonge vers le nord. Dans le renfoncement après le second immeuble les "Shunking". Nous sommes à Kowloon, sur le continent, à 30km  de la frontière chinoise. Voyageurs, ne cherchez pas cet Hôtel, il n'existe plus. Les "Shunking" existe toujours, on en voit l'immense entrée...


Les ricks show's. 

Devant les "Shung King" : impossible de trouver un taxi. Tout le monde déménage. Un pousse-pousse s'arrête à ma hauteur, je ne vais tout de même pas me faire trimballer pendant 1km par un pauvre diable tout maigre ! Je mets guitare basse, guitare, ampli et valise dans le panier, lui donne mon adresse écrite en chinois : "Dundas street".

Il démarre et je trottine derrière… Nathan road commence à monter, le rythme se ralentit... Je l'aide en poussant derrière. Là, je remarque sur les trottoirs des chinois qui me regardent en riant. Plus loin, d'autres chinois, s'étouffent de rire. Arrivés à destination, je lui donne un peu plus que la course prévue : tsé tsé (merci).

Le lendemain au "Hong Kong Club": je raconte cette histoire à Mr Duchemin : "Tu as eu une réaction normale d'occidental mais, aux yeux des chinois, un "gweilo" est riche. Tu aurais dû le montrer en pavanant dans le rick show comme le font les G.I. américains… Tu remarqueras, ici les babas cools n'existent pas… Les blancs qui se promènent sales et les cheveux longs mal peignés sont méprisés, dans la logique des chinois de H-K : "Un gweilo, pour qu'il reste pauvre…, c'est qu'il est vraiment bête !".

2 65 balancier paysan


Le nouvel an chinois.

Au "Shung King Mansion", depuis une semaine, la vieille chinoise avait bien prévenu les musiciens et les voyageurs : "During four days : no more breakfirst, no more claining, no more food, everythere : all the shops closed...". La veille, après avoir pris possession de mon logement, j'ai eu juste le temps d'aller faire le plein au marché avant ces 4 jours de relâche.

En pleine nuit, dans une effroyable explosion, je fais un bond dans mon lit ! Je pense aussitôt à un bombardement... la Chine attaque … terrorisé, accroché à mon matelas pour amortir le choc de la descente…

J'attends quelques secondes… une odeur de poudre envahit la pièce … et puis des rires dans le couloir… Des gamins viennent de faire une bonne farce au "gweilo" !

Pendant 4 jours et 4 nuits : c'est pétards et majhons ! Impossible de dormir…, fenêtres ouvertes, toutes les familles jouent… Le brassage des dominos entre eux fait des vacarmes épouvantables suivi d'un calme d'une dizaine de secondes. Dans chaque famille réunie, lorsqu'une équipe vient de gagner, des cris de joie jaillissent par des centaines de fenêtres puis le cliquetis des petites pièces d'ivoire recommence…


Diana : une double Culture...

Bien qu'élevée chez les protestants et lisant les grands auteurs américains et anglais dans le texte, Diana m'a dit dans un sourire dont j'ignorais la signification : "Le bruit chasse les mauvais esprits pour toute l'année nouvelle…"


A l'Ambassador Hôtel   

1ier mars 65. Dans le living room, sur une petite estrade, le "Freddy Combo" accompagne tous les soirs Tina, une belle chanteuse eurasienne de Macao. Tina, qui parle portugais et anglais, puise beaucoup dans le répertoire d'Astrud Gilberto : elle me dit posséder plusieurs disques avec Stan Getz et Joao Gilberto.

Tina a la souplesse de voix qu'exige la bossa nova. Elle me fait redécouvrir quelques uns des petits chefs-d'œuvres brésiliens de Jobim que je jouais au côté du sambiste Ney del Castro à la "Grande Séverine"... (voir la page "Itinéraire d'un jazzman").

Tina chante également des ballades jazz en anglais. Dès mon arrivée, le courant passe avec le bassiste et le pianiste tous deux Philippins. Ils me connaissent déjà pour être allés écouter Tony Scott au Back Room pendant leurs poses. Je leur proposais donc de me joindre à leur duo avec à ma guitare.

Quant à ma participation officielle dans ce quartet, elle n'était pas très claire… Le Manager "Food and Beverages" (l'intendant également responsable des orchestres dans tous les grands Hôtels); s'était fait à l'idée d'un "French troubadour" chantant d'un bar à un autre, avec un passage au "top floor" où jouait déjà, pour la danse un "Big band" philippins qui devait également accompagner les attractions… !

J'ai essayé de lui faire comprendre que je n'avais pas une personnalité de "troubadour", encore moins une voix de "crowner"… et surtout que j'avais besoin d'un micro pour chanter et d'un ampli pour ma guitare…

Freddy, le pianiste, me voyant dans l'embarras abonda aussitôt dans mon sens, en expliquant qu'il avait besoin de moi, etc. Pour lui, le fait que je puisse accompagner Tina dans les bossa novas et faire des chorus de guitare dans ses morceaux de jazz, lui permettait d'enrichir son groupe et d'avoir un peu plus de libertés musicales et de petits temps de repos... de 19h 30 à 23h, c'était long ! 


Un mois plus tard, je du chanter

Au Cellar Bar ...

3 65 le cellar barLe "Cellar Bar" sous l'Ambassador Hôtel.

Un grand sous-sol à caractère rustique comme il en existe beaucoup en Allemagne, avec une toute petite estrade... Ma guitare et moi deviont reculer  lorsque les plateaux passait !

Quant à mon répertoire de chansons françaises conçu et rodé pour un public japonais, il m'a offert quelques surprises et même quelques bides devant des clients de toutes nationalités… Les anglais me parlaient "avec tact" de Jean Sablon, qui, pendant la guerre, s'était fait connaître à Londres avec : "This foolish thing", "Vous qui passez sans me voir"  et surtout : "Un fiacre allait trottinant" sans doute son plus gros succès… Le fiacre m'était demandé tous les soirs, également des thèmes de Django et particulièrement "Nuages".


La chanson surprise…

Un soir, j'entame "Valsez Matilda" à la façon romantique de Francis Lemarque c'est-à-dire en valse lente. Au fond de la salle, 4 types costaux se lèvent, se mettent au garde à vous … me dévisagent …!!  Intrigué, ma chanson terminée, un peu écourtée… j'ai vu arriver des chopes de bières sur l'estrade…

Puis, ces quatre gaillards ont interprété "Matilda" à leur manière, en anglais sur un rythme de marche militaire : " Val-sing  Ma-til-da …" J'ai appris ce soir là que cette chanson de soldat, parlait de leur bien aimée, celle qui savait si bien faire cuire la soupe aux haricots ! Ces 4 navigateurs étaient Australiens.

5 65 matilda au cellar bar


La gaffe… !

Un autre soir, s'installe tout un groupe de Français. J'avais là, l'occasion de cibler un peu plus mon répertoire et peut être, de les faire participer ; les irlandais, dans ces cas là, démarrent sans préavis !, je n'avais plus qu'à les accompagner…

Plusieurs bouteilles de champagne étaient sur la table, on me remplissait ma coupe après chaque chanson… J'en profitais pour leur chanter Mouloudji, Brassens etc…

Le champagne aidant, j'ose une chanson à boire… l'accueil est plutôt réservé… Se sentant observés par les british's, on ne les entendais à peine… Les bulles faisant leurs effets, j'enchaîne "Au 31 du mois d'août", que nous chantions Jean Pierre Lesigne et moi, en marin, aux terrasses du Lavandou !

Au moment où j'allais crier "Et merde pour la reine d'Angleterre qui nous a déclaré la guerre!", j'ai vu bondir un monsieur en cravate devant l'estrade : "Arrêtez cette chanson… vous voulez créer un incident diplomatique ?" A la pose, ils m'ont invité à leur table et l'un des leurs m'a présenté au monsieur cravaté : c'était Mr Gilbert Février : Consul de France à Hong Kong !


8 Mars 65. "Et bien, j'ai l'impression que je vais rester un bout de temps à Hong-Kong". C'est ce que j'ai écrit à mes parents ! Moi qui voulait me balader un peu partout en Asie à la manière de Zabo et ses "cartoons", j'avais l'impression de m'être fait piéger…

D'autre part, c'était difficile de refuser une nouvelle proposition, celle de Sandro Comensoli, le leader du combo italien du "Den" à l'Hilton. Sandro me proposa de remplacer son bassiste qui jouait au "Den" depuis 3 ans. Son contrat finissait le 30 juin, il voulait rentrer en Italie et je tombais à pic pour prendre sa place !

Mon contrat pour jouer à l'Hilton fut aussitôt signé pour le 1er juillet et pour un an ! Il m'offrait un salaire double de celui de l'Hotel Ambassador !

Là, j'ai découvert qu'au "Cellar Bar", j'étais payé comme les philippins, ce qui me semblait tout à fait normal. Ce qui l'était moins, c'était que ces excellents musiciens soient payés 2 fois moins que les orchestres européens…

J'ai déjà vanté les qualités des musiciens du Bay Side… ils étaient autrement plus performants que les Italiens du "Den" !! Ce qui m'a fait craquer c'était cette nouvelle facilité de vie… Je savais que chaque musicien italien avait sa chambre à l'Hilton avec leurs breakfirsts et les repas du soir "free" dans l'un ou l'autre des snacks.

Il suffisait de signer... avec réticence tout de même : mon côté "balade autour du monde" en prenait un sacré coup !

Mon contrat au "Cellar Bar" finissant le 31 mai, j'envisageais déjà de me payer un mois de vacances avant d'entrer à l'Hilton. Et puis un espoir se réveillait : avec cette nouvelle vie, cette soudaine stabilité, une école et un lycée français existaient à Hong-Kong…, la venue de ma femme et de mon gamin Olivier devenait possible... Et Diana dans cette hypothèse ?? J'en étais devenu fou amoureux...


A l'Alliance Française.

Avril 65, Mme Duchemin me propose de la remplacer pendant 1 mois à l'Alliance pour quelques cours par semaine. Je soupçonne qu'elle s'ennuie… elle veut "prendre le frais en France".

La pédagogie appliquée à l'Alliance Française est de ne pas parler anglais, sous aucun prétexte ! Il faut apprendre à mimer des scènes de la vie quotidienne en suivant les dessins du manuel et leurs textes en français.

J'ai des classes de 20 élèves, filles et garçons de 10 à 12 ans de toutes les couleurs. Dans les premiers rangs : les gamins chinois, indiens, sihks, pakistanais rivalisent de sérieux et d'intelligence, ce n'est hélas pas le cas des "teddy boys" anglais et américains qui parlent entre eux "cokney" ou "sling" en sautant comme des indiens à travers les tables… Epuisant mais passionnant... si je n'avais eu qu'à enseigner aux deux premiers rangs !


Reconnaissance de la Chine

Depuis la récente reconnaissance de la Chine par De Gaulle, l'Alliance déborde d'appels concernant des demandes d'inscriptions. Pendant les poses, des grands élèves soulèvent souvent la même question : "Combien je pourrais gagner en France en étant secrétaire import-export trilingue ?"

Devant ces interrogations pécunières, je ressentais une nostalgie de ma vie à Tokyo : mille questions d'ordre culturel m'y avaient été posées, aucune d'entre elles n'avaient concerné celle de l'argent…


Tony Scott cherche un bassiste

Tony passe quelquefois au "Cellar Bar" pour prendre un verre. Il nous écoute Tina et moi, il adore ces 2 langues, brésilienne et française aux consonances si proches.

En signant avec Sandro pour le Hong-Kong Hilton, j'avais appris que mon contrat exigeait l'exclusivité des musiciens et des shows. Les "bœufs" me seront donc interdits lorsque je serai sous contrat… et, tout se sait à Hong-Kong !


Faire des US dollars au Vietnam...

Le bassiste philippin de Tony vient de signer à nouveau pour repartir au Vietnam. En fait, nous n'avons jamais revu ce bassiste. J'apprendrai plus tard qu'une fois l'argent versé à la famille, l'hélicoptère larguait sur des "pitons imprenables", à l'aide de filins : musiciens, instruments, chanteuses et "danseuses à tout faire"... Mais, ces "pitons imprenables", étaient tous cernés par le Viet-Cong !


Où l'on retrouve Vali Mayer!

Alors j'ai pensé à Vali !… La dernière fois que je l'avais rencontré, c'était en 59 en Tunisie ! Après nos saisons, lui à Hammamet et moi à Gamarth, il chassait, seul, des petits reptiles dans le désert Tunisien.

Depuis, je savais par Hugues Aufray qu'il était toujours avec les "Latins" et qu'il commençait à s'y emmerder ! Je lui ai donc proposé de venir à Hong Kong pour jouer avec Tony.

Une semaine plus tard, Vali, en rasant les immeubles, atterrissait à l'aéroport de Ka Tak. Toujours amateur de reptiles, il venait aussi pour en acheter et les envoyer en Europe.

A Dundas street, dans notre appartement une chambre était libre, il avait ramené un python de plus d' 1m 50 de long et des souris vivantes pour le nourrir… Moi, j'aimais pas trop… Diana encore moins…


Les farces de Vali. 

Etudiées pour les familles nombreuses de l'époque, les HLM chinois ont tous, deux cabinets de toilette et deux WC. Le python avait le sien. Quand Vali rentrait gentiment accompagné, quelques instants plus tard on entendait un hurlement horrifié…

C'est vrai qu'un python que l'on dérange, enroulé sur la chasse d'eau, ça impressionne ! Sachant la tendance des filles asiatiques à fureter chez les "gweilo ", Vali avait fait écrire en chinois, sur un papier, les caractères "inutilisable" sur l'une des portes, devinez laquelle ?


Les marins du "Laos". 

Au Cellar Bar, il y a foule ce soir avec… beaucoup de français. L'un d'eux me reconnaît. "Vous avez été passager sur le Laos ? " Oui, il y a environ 1 an…  Ils évoquent des souvenirs de cette traversée, de leurs coucheries à bord…  "Vous vous souvenez d'une japonaise embarquée à Marseille ? - Oui, Keiko, elle était peintre de "poulbots" et avait déjà fait plusieurs voyages entre Montmartre et Tokyo!  -Vous avez couché avec ? -Non, je l'avais draguée et j'avais pris un bide… J'allais, moi aussi, à Tokyo, peut-être que son fiancé l'attendait… -Alors, vous êtes passé au travers ? -Au travers de quoi ? - Elle a foutu des gonos à tout l'équipage…"  Eclats de rire général…!


Médecine chinoise.

Mai 65. A Hong Kong, il commence à faire très chaud et humide, les climatiseurs sont réglés au plus froid, cela permet à certaines riches chinoises de parader en manteau de fourrure ! (sic).

J'ai attrapé la crève et je chante faux sur certains intervalles ! Je n'arrive plus à les contrôler, je les appréhende... ma respiration s'en ressent et ma voix sort, étriquée. C'est humiliant pour un musicien ! Diana toujours au petit soin, m'emmène chez un vieux docteur chinois de ses connaissances. Le taxi monte dans le haut de Nathan road où vont rarement les "gweilos" (nous !).

Ce docteur ne parle pas un mot d'anglais. Diana lui explique je ne sais quoi en cantonais. Il sort un diapason qui me rappelle les "années violon" de mon enfance ! Il me le fait tinter à l'oreille, puis à l'autre. Diana traduit les questions du docteur : "Tu entends la même chose ? - Non, il y a un demi-ton entre les deux oreilles ! " . Elle rigole, c'est sûrement intraduisible en cantonais. Sait-elle seulement ce qu'est un demi-ton ? Tout en chantant : un La et un Sol#, je mime les 2 sons avec l'une de mes mains plus haute que l'autre…

Cette situation me fait penser aux films de "Laurel et Hardi" d'après guerre, les jeudis après midi au "Rex" de Malakoff ou 500 gamins étaient déchaînés de rire !

Le vieux docteur est tout hilare, il a compris. Il sort un petit tuyau muni d'une poire et violemment me décompresse une oreille, puis l'autre. Dans son dialecte anglicisé, j'arrive à décrypter : "Tro- pe-deu–stach-clos ". (trompe d'Eustache fermée). Au moment de payer la consultation, Diana me dit dans un sourire : " Pour toi c'est gratuit ". Je n'ai jamais eu d'explications.

Au Japon, j'avais déjà été soigné d'une otite dans une clinique de quartier, j'avais senti un personnel fier d'offrir ses services à l' "Honorable Etranger"… Enfin, toujours est-il qu'après avoir bu des poudres de serpents et autres bestioles, le lendemain, j'entendais ma voix juste.


 "Les moutons de la marine française".

Pour lire l'article : cliquer dessus.

article-les-moutons-1.jpg Alex Serra, un musicien italien parlant très bien français vient quelquefois faire un bœuf à la flûte avec nous. Il n'a pas de boulot en tant que musicien (trop mauvais caractère d'après Sandro, notre chef pianiste du Den ). En revanche, il écrit dans plusieurs journaux anglais dont le "Star". En bavardant devant un café, il m'interroge sur ma vie en France... J'en viens à lui parler de mon service militaire de 27 mois dans la marine, puis, la manche, en civil, avec Jean Pierre Lesigne au Lavandou... et mes 3 derniers mois consacrés à garder la douzaine de moutons de la Base Aéronavale de Berre !

Alors là, il a éclaté de rire… Il tenait son titre… Pour les anglais, ridiculiser la marine française a toujours été une plaisanterie permanente, pas besoin de remonter à Trafalgar ! Pendant plus d'une semaine, ce papier m'amena des curieux qui voulaient en savoir plus sur les  "Demby sailors who was playing to sheeps…"


Tout bascule…

D'après mes courriers, ma femme et mon fils doivent venir me rejoindre incessamment. J'ai déjà envoyé le règlement du ticket d'avion de ma femme, mes parents offrent celui de mon fils Olivier (5 ans). Il est heureux paraît-il : "Il n'a même pas pleuré à la piqûre contre la fièvre jaune…".

Il faut savoir qu'à cette époque, les charters n'existaient pas et les vols "Air France" coûtaient plus du double du prix d'un billet de bateau en classe économique !


La surprise de Diana ... 

Diana devine ce qui ne tourne pas rond dans ma tête. Depuis notre rencontre, elle connaît ma situation d'homme marié, mais, n'ai-je pas quitté la France depuis plus d'un an… ?

Elle m'annonce : "J'aurai une surprise à te faire… le week-end prochain, tu viendras me rejoindre en bus à notre petite plage : "Tortoes beach", j'y serai depuis le matin de bonne heure ".

J'ai tout de suite pensé à une nouvelle voiture, une plus petite, dont elle m'avait déjà suggéré d'en partager l'achat. Sa proposition m'avait semblé intéressante. J'étais tellement à côté du sujet !… Quand je suis arrivé, Diana s'amusait sur la plage avec un petit garçon d'environ 6 ans avec qui elle parlait anglais et chinois…

J'ai passé l'après midi à faire le monsieur "gentil", essayant de faire le clown, je me sentais désarmé…, trop de choses me tombaient sur la tête, il me fallait du temps, faire le point…

Ce choix, c'est Diana qui s'en ait chargé. Le lundi matin, comme d'habitude, je l'appelle au bureau... Au bout du fil, une voix inconnue à l'accent cantonais, souvent désagréable lorsqu'elle s'adresse à un "gweilo", me jette brutalement : "What do you want ? Diana doesn't work anymore at this office, sorry ".

Le combiné est raccroché aussi sec. Quel contraste avec le "mochi mochi ?" délicieux des japonaises ! Inconsolable, mon chagrin fut terrible, impossible de retrouver sa trace... Diana avait tout verrouillé !


Le Docteur Desmond.

Pour épancher mon désarroi, je me réfugie tous les jours chez les "Duchemin" où le Docteur aime me raconter ses premiers contacts avec l'Asie du Sud Est…,:  " C'était en 1947. "A cette époque, jeune toubib à l'armée, j'ai été parachuté chez les "hmongs" dans le nord du Laos près de la frontière vietnamienne. Le doyen, chef de la tribu nous attendait entouré d'une dizaine de "pou sao" (jeunes filles) qui nous ont mis des colliers de fleurs autour du cou !...

" Le vieux docteur, perclus de rhumatismes, était intarissable sur ses souvenirs exotiques. Quand les Duchemin recevaient des français au "Hong-Kong Club", le docteur me présentait… tel un bateleur : "Je vous présente un des derniers troubadours de la planète! " (Zabo, l'année suivante recevra le même hommage!…), puis, continuait, vociférant sur la marchandisation du monde…

Six mois plus tard, lorsque que je perdrai brutalement mon père, la famille Duchemin et ce grand humaniste de Docteur me seront d'un grand secours.


Mon contrat au "Cellar Bar" finissant à la fin mai, et n'ayant pas de nouvelle de ma femme, ma décision fut prise : j'irai retrouver Zabo et sa Masako qui m'invitaient pour des vacances  à Tokyo. Il me restait 2 semaines pour faire les essais des 3 costumes d'orchestre (160F chacun! ) exigés par mon contrat Hilton.

J'avais un embarquement possible pour le Japon cette fois sur le "Vietnam" au début Juin et je pouvais revenir par le "Cambodge" suivant, le 28 juin, pour rejoindre l'orchestre de Sandro Comensoli au "Den" du "Hong-Kong Hilton".


Lire la suite dans

Vacances à Tokyo chez Zabo Masako

 

Ce livre existe aussi en DVD

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Le star d alex 1

 

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