61/62 Itinéraire d'un jazzman

Itinéraire d'un musicien de Jazz (suite)

 

Début le 5 décembre 60 Marc Laferrière m'avait offert la place de bassiste au Slow-Club. Jacky Sanson, un titi parisien bon contrebassiste qui imitait parfaitement Armstrong, étant là depuis plusieurs années, avait envie de se faire connaître ailleurs qu'au Slow-Club. Cette boîte de jazz était ouverte tous les soirs de la semaine, plus les matinées du dimanche pour les moins de 18 ans. Le Slow-Club et celui de La Huchette étaient  les  meilleures affaires de Paris. En outre Marc avait des galas signés 6 mois à l'avance : j'avais la sécurité de l'emploi et devenais définitivement pro.


Les limites du Conservatoire ...

A cette époque, je rentre au Conservatoire de Versailles en classe de contrebasse comme élève de M. Cazauran alors premier soliste à l'Opéra de Paris. Grâce à une dispense, je devais également suivre les cours de solfège avec une vingtaine d'enfants. Je resterai donc 2 ans à Versailles jusqu'au jour où ... m'amenant en classe de solfège avec une partition de basse cubaine venant des latinos de Kerr Samba, je découvris avec stupéfaction que madame le professeur refusait de m'aider pour lire cette musique... A quoi m'aurait servi de poursuivre une 3ième année apprendre la clé d'Ut au programme...?


1961

Janvier 61 : le Slow-Club, du mercredi  jusqu'au dimanche soir, était plein comme un œuf. Tous les dimanches après-midi  nous avions de jeunes couples de danseurs de bop. L'un d'eux était particulièrement entouré : elle légère, menue et très bonne danseuse : Brigitte la femme de Marc et lui, tout en rondeur, débordant de sympathie auprès des musiciens : le fameux Carlos... qui n'avait pas encore 18 ans ...


Un groupe qui avait la "patate"

Février 1961 :  Le regretté Michel Huet (Sax soprano) qui vendait aussi des instruments à vent rue de Rome nous avait réuni : Stéphane Guérault à la clarinette, Jean Irigaray à la trompette, Christian Rameil au piano, Gilles Nicolas à la batterie et moi-même à la contrebasse. Beaucoup plus tard avant de disparaître tragiquement, Michel nous offrit ce CD !

Thème joué : Sweet gorgia Brown par Michel Huet (s.s.), Stef Guerault (cl), Jean Irigaray (tp), Christian Rameil (p.), Gilles Nicolas (bat.) et Lucien Blot (c.basse).


Une affaires en or ?  :

Un soir, au Slow-club Marc Laferrière me prend à l'écard : "Notre imprésario (Leroux) m'a demandé si je connaissais un guitariste qui a le sens du rythme : j'ai pensé à toi, tu joues de la guitare ... Tu vas peut-être glaner quelques galas. Voilà l'adresse du contact...

Le lendemain après-midi, je me pointe rue de la Tour d'Auvergne (Paris 9e), un jeune blond de 17 ou 18 ans m'ouvre la porte. Au fond de la pièce, je reconnais le grand Stephane Grapelly, j'ai aussitôt pensé : "Ce doit être un de ses petits copains...".

Le jeunot me passe une guitare : "Tu sais jouer un blues ? - Bien sur, je suis au Slow-Club tous les soirs avec Laferrière". J'ai du "scater" un blues en m'accompagnant en style manouche (sans doute pour attirer l'attention de Stéphane...). Puis, j'enchaine un thème de Parker dans le style be-bop avec accompagnement adéquate. J'attends...

Le jeune blondinet parle à Stéphane, reviens : "Non, ça va pas, vous faite pas l'affaire..." . Quelque temps plus tard, j'apprendrai que c'était Johnny Halliday !!!  Marc vient de me dévoiler la suite de l'histoire : "Finalement, un bon pianiste qui participait aux bœufs des dimanches soirs : Christian Rameil fut l'heureux élu, c'était pour faire un gala. Johnny, à la guitare fut accompagné par un batteur et un pianiste de style New-Orléans !."  Je l'avais vraiment échappé belle !

Bien plus tard, Christian Rameil fût aussi le dernier accompagnateur de S. Gainsbourg qui avait prit pension au restaurant "Chez Meneau " à St Père sous Vézelay (89), à 10km de ma maison... Gainsbourg est mort chez Meneau et Christian à perdu son boulot.


Saison d’été à Royan...

Du 12 juillet au 22 août 61. Pour la saison d’été, Marc Laferrière, en vacance, avait l’habitude de laisser le champ libre à ses musiciens. Aussi, mon ami Pierre Lamalle, ce super tromboniste rassemblait un quartet pour la saison à Royan : à "l’Altitude 0", Pierre me proposa être son bassiste pour 30NF par jour, nourri le soir. Ce quartet de jazz moderne était composé de Roby Davis, pianiste allemand et d'un certain Marc, excellent batteur Suisse . 

61 7 royan a altitude 0A "Altitude zéro" de gauche  à droite : Marc , Roby Davis, Pierre Lamalle, virtuose du trombone et "Lulu" à la grand-mère.

Chorus de basse royan


En recherche d'un autre style de jazz...

Je venais de terminer ma seconde année au Conservatoire de Versailles, classe de contrebasse avec Mr Logerot puis avec Mr Cazauran. L'archet permettant de jouer plus juste dans les différentes parties du manche, je commençais à être plus à l'aise dans mes chorus. D’autre part, les dimanches soirs du Slow-Club réservés aux bœufs me faisaient connaître de plus en plus auprès d’autres musiciens de la génération précédente.

J’avais déjà  participé à l’enregistrement de deux courts métrages avec François de Roubaix (tb) les 25 avril et le 7 juin 61. D'autre part, le bassiste de Georges Brassens : Pierre Nicolas, me demandait quelque fois de le remplacer dans les camps américains où il gérait plusieurs formations. Et puis, l’envie de jouer un répertoire autre que celui de Sidney Bechet me démangeait. Avec Gérard Raingo, le pianiste de Maxim Saury, on commençait des répétitions afin de monter un trio du style Oscar Peterson avec Michel Boiron à la basse, trio dans lequel je retrouvais ma guitare… : c’était tentant... Mais, quitter le Slow-Club... une si bonne affaire ! Enfin, devant l’offre de jouer aux côtés de Géo Daly au Vieux Colombier, le "Lionel Hampton français", j’ai craqué !


Je quitte l'orchestre "Lafferière"

Le 17 Septembre 61. J'ai donc pris ma liberté auprès de Marc Lafferière. Prévenu 1 mois à l'avance, Marc va se montrer très compréhensif quand je lui annonce mon choix : "Jouer tous les thèmes de Lionel Hampton au côté de Géo Daly : tu te rends compte ? l'ancienne vedette de "La Rose Rouge" ..."


Bilan de 8 mois au Slow-Club :

Depuis décembre 60 avec "l'orchestre Laferrière" nous avions fait 14 galas, la plupart dans les Grandes Ecoles : Nuit de la médecine à Lille 17/12/60, le Bal des Ponts et Chaussées au Palais d’Orsay le25 février, le Bal de la Chimie à Rouen le 4 mars, le Bal de l'Ecole Hôtelière à Paris le 12/3/61, Point Gamma Polytechnique le 13/5/61 etc.. etc. Ces galas étaient payés en moyenne 135 NF.


Bassiste du trio Géo Daly !

Le 29 septembre 61, je quitte donc Marc Laferrière. Je me retrouve une fois de plus à "La Belle époque" ancien  "Vieux-Colombier" . Mais cette fois dans le trio de Géo Daly, lequel se faisait quelquefois remplacer par son copain Fofo (Forenhbach). Japy Gauthier ou Jean Martin étaient aux tambours. Bernard Poulain venait (ts) en renfort pour les week-ends.


Les attractions de "La belle époque"

Aux attractions passaient Jean-Claude Darnal pour une semaine, puis, la semaine suivante : Jacques Verrière (Compositeur de "Mon pote le gitan" ) la semaine suivante...

Jean Yanne arrivait le premier: "J'espère que vous avez bien chauffé la salle...?"... Pas toujours aimable pour les musicos !, il nous semblait que nous étions un peu ses subordonnés... Il présentait la 2ième partie de la soirée en commençant par son tour de chant en s'accompagnant de son guide-chant ! Le plateau d'artistes comprenait également : les chansonniers : Richard Marsan, Roland Moisan, J.M. Proslier, le dessinateur Datzu, l'actrice Jacqueline Page, les histoires d'un grand timide par Jean-Pierre Rambal sans oublier l'humour noir de Pierre Doris. Ils étaient sans doute les précurseurs du Café-théatre. Leurs répliques étaient toujours drôles et surprenantes !


Les défilés de mode...

Quant à Géo Daly, qui jouait depuis le début des années 50, il avait beaucoup d'affaires, notamment celles des défilés de mode. Nous devions jouer tous les standards de Jazz rendu célèbres dans les films musicaux de l'époque "Swing". Le thème devait changer à chaque annonce de robe, évidemment les morceaux ne devaient pas dépasser 20 ou 30 secondes ce qui excluait toute improvisation... : Dès l'apparition d'un mannequin et suivant son inspiration, Géo annonçait la couleur : "Tea for two" ou "Cheek to cheek" et ça swinguait déjà. A la fin du défilé, il entamait des marches nuptiales classiques !! Mais, sans swing ! Je suis resté avec Daly jusqu'au samedi 4 novembre 1961 (précision due au cahier tenu tous les jours par Zizi la maman d'Olivier


  Au pont de "La Varenne sur Marne"

Mes matinées des dimanches se passaient au Pont de La Varenne/Marne, dans les quartets soit de Jean Tordo (cl), avec Claude Fougeret (p) et Gérard Hugé (dms) soit dans celui de Dany Doris (vb), avec Paul Rako (p) et le batteur Jean Guérin avec qui j'adorais jouer. Marie-Ange Martin la "Charlie Christiane" de la guitare venait souvent faire le bœuf.                                                                                                                       


Une autre époque :

A Paris, les musiciens de Jazz étaient demandés selon les besoins des endroits où l'on pouvait danser le "Bop", ils pouvaient intervenir aussi dans certains petits cabarets de la rive gauche.

Afin de pouvoir trouver un éventuel remplaçant à la contrebasse, j'avais une liste de téléphones. En tête Pierre Michelot et Guy Pedersen, pointures de Jazz moderne et de plus : lecteurs ; suivaient : Luigi Trusardi, Pierre Sim, Michel Gaudry, Robert, Alby Cullaz, etc. Ces bassistes plein de swing, réputés, jouaient dans les 3 ou 4 principales boîtes de jazz moderne : Le Club St Germain, le Blue-note, le Mars-Club et le minuscule "Caméléon".

Selon le bassiste qui m'appelait pour le remplacer, les 3e, 4e, 5e, étant rarement libres... Je pouvais avoir une idée de la place que l'on me donnait sur cette liste. ( Pour les réveillons, tout le monde était pris... on devait envoyer le 25e de la liste ... qui faisait boum ! boum ! ou plan !  Plan ! sur la contrebasse... ( "Une fois oui, une fois non" disaient des mauvaises langues...)


       Le sextette Géo Dali...

Le 7 novembre 61  Géo Daly fut demandé pour refaire un sextette avec ses vieux copains au "Trois Mailletz" : le temple du Swing. Autour de Géo Daly au vibraphone, il retrouvait : André Persiani au piano, Georges Lucas à la basse, Jean Martin à la batterie, Michel Attenoux au soprano, Roby Davis au ténor, Bernard Hullin à la trompette, et Anita Love au chant. Et ça déménageait ! Voir le site geodaly.com créé par sa fille Carine . Carine ayant pratiqué ma pédagogie après plusieurs stages EQS, elle apparait dans la partie "stage" de ce site.


    Au Storyville de Cologne (Köln).

Décembre 61. Une fois de plus, je me retrouve en Allemagne toujours dans une affaire d’Armand Gordon (p), aux mêmes conditions, sans surprise (ces affaires étaient gérées par le même imprésario américain !)

Le pianiste Jacques Lautier détenait également des affaires en Allemagne, mais son répertoire était un peu particulier, car il affectionnait particulièrement Ray Charles. Des thèmes de Ray Charles sans chanteur, il fallait oser

Wani Hinder de Zurich était au baryton, Michel Miroux aux tambours, Rolph Bürher à la trompette, Bernard Poulain au ténor et je tenais la contrebasse. Les cachets étaient toujours de 30 Marks par soir (soit 36Nf), et la vie moins chère. Nous devions y être de 19h à 11h avec des poses tous les 3 morceaux. Chaque pose étant limitée à une demie-cigarette !! On se faisait rappeler souvent à l'ordre : "arbeit ! arbeit ! "

Le public était jeune, des filles arrivaient à l'ouverture avec souvent des patins à glace autour du cou... Au Storyville, les orchestres changeaient tous les mois et, surprise ! : chacun des musiciens fut dragué par une fille. On nous avait prévenu avant de partir à Köln, tu verras : "Il y a la fille du batteur, la fille du trompette, du trombone" etc : une organisation à l'Allemande !! Quant au public, habitué à danser sur du vrai New-Orléans, plus sautillant, il ne s'y retrouvait pas ... Le rythm-blues, c'était pas leur truc : Ah! dies französische Sprache!


1962

En janvier, je remplace le nouveau bassiste du Slow-Club pour 3 semaines et continue de jouer les week-ends au Pont de la Varenne dans le quartet de Gilles Thibault (tp) avec Paul "Rako" (p) et  Jean Guérin ou Gilles Nicolas à la batterie. Les dimanches après midi, j'avais déjà eu la tâche de récupérer "Rako" Fb St Antoine, pour l'emmener au Slow-Club encore endormi !… Pour le "Pont de la Varenne", cela devenait une habitude. Quand j'étais fatigué d'attendre, le réveil étant trop difficile, c'était Marie Ange Martin qui le remplaçait à la guitare dans le style Charly Christian : un vrai régal !


Au Théatre Pacra.

Hélène Martin, chanteuse à textes, me demande de l'accompagner. (3 jours de répètes pour 2 jours de concerts en matinée et soirée !) Je découvre un autre métier : écouter les nuances de tempo, rattraper les fautes de mesures... Pour nous, jazzman, c'est un " boulot ingrat", voir "emmerdant", plus difficile que de suivre Ella Fistgerald ou Stéphane Grappelli !


Le 7 février, Paul Piguillem, ancien guitariste de Jacques Hélian me passe l'affaire du "Keur Samba" (anciennement "la Rose Rouge", rue de Rennes).


Les folles nuits de "Keur Samba".

L'affaire "Keur Samba" était une très bonne affaire, 6 jours par semaine (50NF par soir). Deux orchestres : l'un cubain, l'autre de jazz, alternaient toutes les demies-heures de 9 h 30 jusqu'au départ des derniers clients… La musique ne devait pas s'arrêter !. A la fin de notre set, un morceau convenu : "Beguine the begine" appelaient nos remplaçants cubains qui jouaient aux dominos dans l'arrière salle. Un par un, les percussionnistes cubains : congas + timbales + basse + montuno binaire au piano (l'ensemble s'appelle le tumbao qui constitue le tapis rythmique.) Nos solistes se faisaient remplacer un par un. Puis, l'un des cuivres cubain attaquait Siboney" de Lacuena (en hommage aux esclaves déportés à Cuba). A la fin de leur set d'une demi-heure, les soufflants cubains enchainaient le second thème : "Beguine the begine" pour nous appeler. Un par un, les jazzmen transformaient la pulsation binaire cubaine en ternaire jazz avec son "cha ba da" . Le phrasé des jazzmen devenaient ternaire, c'était magique !


Les Cubains au "Keur samba"

Avec les Matecocos : 8 ou 9 musiciens latinos étaient là, de octobre à fin Juin. Puis les "Charangas" les remplaceront. (le style "charanga" est un groupe spécifique qui emploie 4 violons jouant des "riffs" dans la partie "montuno" alors que la flûte traversière (en ébène) est seule habilitée à faire des chorus.)


Et les Jazzmens...

Dans l'orchestre de jazz on accompagnait le chanteur de rythm blues : Clay Douglas : Raymond Fonsèque (Tb), Pierre Dutour (tp), Jacque Nouredine (Clarinette et baryton) Armand Miggiani (cb), Jackie Castan (p). Jackie deviendra plus tard chanteuse de studio puis prof de chant au Conservatoire du Studio des variétés. A la batterie swinguait mon vieux copain Jacky Cézaire. (Voir plus haut en 1959). Quant à moi, j'avais dû reprendre ma guitare.


Des nuits de galère ...

Quelquefois, vers 4h du matin, quand les habitués du resto : "La Tour d'argent", déjà bien chauds, faisaient irruption sous la conduite de la pulpeuse et bien allumée… Ava Garner : c'était champagne à gogo pour tous.. Mais, pour les musiciens du groupe qui restait, jusqu'à la fermeture, c'était vraiment très long… Quand on sortait rue de Rennes, il faisait jour et les ouvriers partaient au boulot sur leur vélo, en sifflotant...

Plusieurs fois, en fin d'année, les 2 orchestres de "Kerr Samba" ont été loués pour des réceptions privées de la "haute société" .


Chez les "Rohtchild"...

Le 19 juin 62, on fut convié chez le baron Guy de Rohtchild dans sa magnifique maison à St Philippe du Roule : un véritable musée. Le service, en habits "Louis XV" accueillait une centaine d'invités... Je revois, près du piano le Duc de Windsor, très amateur de jazz, nous demandant de jouer "Laura" son thème favori...       Dans l'immense salon dansaient Mel Ferrer, Pompidou, Yull Bryner Audrey Hepburn, Jacques chazot, Giscard d'Estaing et des mannequins...


Chez Maxim's.

Le 21 juin, le Comte de Nouailles nous avait loué pour une fête chez Maxim's  où jouait  l'orchestre d'Hubert Rostaing (Malraux, l'habitué y avait sa table...)


Dans les jardins de l'Elysée...

Une autre soirée grandiose eu lieu Dans les jardins de l'Elysée sous l'égide du Comte de Beaumont. Une foule de 500, peut-être 1000 personnes se dispersait dans le parc. Un orchestre tzigane était là également en plus des deux orchestres de "Ker Samba" . Sous la direction de Jacques Chazeau les petits rat de l'Opéra nous offrirent un spectacle.


  Anecdote, souvenirs...

Dans les Jardins de l'Elysées tous ces 500 invités s'éparpillaient sur les pelouses. Trois estrades étaient dispersées, l'orchestre russe de la Grande Séverine était là également ainsi que Jacques Chazeau et les Petits rats de l'Opéra. Bref : du beau monde. Avec ma guitare, je me plaçais souvent à côté de mon copain Jacques Nouredine (Sax baryton). A deux mètres de nous, surpris par toutes ces magnifiques femmes qui nous dépassaient d'une tête : "modèle mannequin", je lui chuchote : " T'as vu ces nanas !  Ces belles mains qu'è z'ont... Et Jacques, entre deux phrases de baryton : "Oui, mais z'ai font pas la lessive !! "


Le 28 juin : gala chez James M. Gavin à l'ambassade des USA, av. d'Iena. Pour ces grandes manifestations (payées 150NF) le chanteur afro américain Clay Douglas se joignait à nous.


Rencontre de Mickey Larché...

A cette période, je jouais également tous les dimanches après-midi , au Cadran à Colombes dans l'orchestre de Mickey Larché. Pour moi, Mickey Larché était un "mythe", je lui devais mes premiers frissons de 17 ans à la Huchette où cet excellent trompette, très connu au "Quartier" jouait avec Claude Gousset (Tb) ou Raymond Fonsèque, je me souviens également du contrebassiste en tenue militaire : Jean-Marie Ingrand>.


  Saison au "Casino Bellevue" de Biarritz.

Le 27 Juillet 62 : La saison au Ker-Samba se terminant fin juin, Charly Delsart ancien 1eralto de l'orchestre Jacques Hélian me contacte, il cherchait un guitariste pour la saison au Casino de Biarritz du 27 juillet au 9 septembre 62 (contrat à 65NF par jour).

Je me suis retrouvé dans un orchestre dont la moitié des membres ne se connaissaient pas, mais tous étaient d'excellent lecteurs ! Par contre, j'avais déjà joué une semaine au "Bidule" rue de la Huchette, 2 ans plus tôt avec un excellent pianiste de jazz belge : Francis Coppieters. L'étonnant Charly Delsart au sax alto pouvait improviser dans l'esprit de Charly Parker ! Pétrusque (tp) et Maréchal (cb) n'étaient que lecteurs mais quels lecteurs ! Chaque semaine, on répétait avec les nouvelles attractions : une seule lecture leur suffisait !

Quant à moi, "non lecteur à vue" malgré mes deux années et demie de Conservatoire de Versailles, Francis le pianiste devait me souffler la structure des morceaux qui n'avaient rien à voir avec un répertoire de Jazz.


Avec "Ney del Castro"

Quant au batteur, c'était un sambiste Brésilien de Sao Paolo : Ney del Castro déjà connu au cabaret de "La Grande Séverine". Quand je l'ai entendu, ce fut un choc : sifflet (Apito) entre les dents, il enchevêtrait 5 rythmes différents : une "batucada"  à lui tout seul !.

Il m'apprit tout de suite la "batida" qui se joue sur la petite guitare "cavaquinho", je devais jouer cette "batida" dans le haut du manche de ma guitare. Je n'oublierai jamais ce personnage : " Un indien chevauchant sa batterie".

Pour faire joli, cet assemblage  hétéroclite de musiciens était chapeauté par le chanteur mondain Rénato, une sorte de Tino Rossi qui connaissait tout le gratin de Biarritz. Dans les série de tangos, je tenais la contrebasse à cordes.


Retour à "Keur Samba"

Le 22 septembre 62, de retour à Paris, je reprends ma place de guitariste à "Keur Samba" . Pour la nuit du 25 , on attaque très fort : les 2 orchestres sont loués au Trocadéro pour la présentation du film "Le jour le plus long". François Perrier nous est attribué pour les petits fours et les boissons pendant qu'Edith Piaf en plein air, envoûte son public.


Les affaires avec les T4 (4 trombones) de Raymond Fonsèque se poursuivent. Le 5 octobre, à Lyon avec Jean Nohain (cachet :170 NF). Avec le groupe du batteur Gilles Nicolas, on accompagne Bill Coleman à Strasbourg le 3 novembre puis à tours le 10 novembre (190NF le cachet).


Plasticage de Keur Samba...

6 novembre 62, suite à un plasticage de l'O.A.S. Keur Samba ferme pour travaux. Guy Ray me demande de le remplacer à la contrebasse chez Maxime Saury à La Huchette (40NF le cachet). Je suis époustoufflé par la finesse, l'élégance et la précision du phrasé de Maxime... Suit un gala le 17 novembre avec Roby Davis, le pianiste allemand d'Altitude Zéro à Royan (cachet : 220NF).

Le 25 novembre : dimanche : Télé : émission les Hi FI de Jean-Christophe Averty, (cachet 220 NF).


"Groupe Samba" à la Grande Séverine

Suite au départ de "Sivuca" l'extraordinaire accordéoniste du Nord-Est Brésilien, Ney del Castro le fameux sambiste rencontré au Casino de Royan, me demande d'être cette fois son contrebassiste pour jouer dans son nouveau groupe samba à "La Grande Séverine". (rue de la grande Séverine, derrière La Huchette).

Ce "cabaret" employait à l'époque 3 orchestres, les "Jazzmen" au sous-sol, les "Brésiliens" au rez de chaussée et les "Russes" au premier étage.

Notre groupe samba se composait de deux brésiliens : Ney à la batterie et d'un chanteur : Hélio qui s'accompagnait au pandeiro, de Picolino (cubain) au sax ténor, des frères martiniquais Fayovet (Tp et Sax) et de Gérard Dourian au piano. La première semaine : Michel Portal était à la flûte.


   La Grande Séverine était à l'époque, il me semble, le seul endroit de Paris où un groupe "brésilien" se produisait. Les premières bossa novas apparaissaient... En attraction, nous devions accompagner la "chanteuse" Marpessa Dawn, commédienne et héroïne du film "Orphéo Negro" de Marcel Camus.

La première surprise est qu'elle n'était pas brésilienne ! Elle parlait anglais avec Ney et français avec nous ! (Native des caraïbes anglaises sans doute), la seconde est qu'elle n'était pas avare de fautes de mesures en chantant chaque soir: "Mania do carnaval" et "Felicidade": les chansons du film.

Puis avec une moue délicieuse, implorant le pardon : - I am not a singer, I am comedian... Un jour, j'ai vu son nom sur une affiche de théatre de boulevard... Là, j'ai compris la méprise !!


Les vendredis "Carnaval" .

Chez nous, au sous sol, avec Ney del Castro, les gens venaient pour danser et faire la fête, particulièrement les vendredis qui devenaient des "soirées carnaval" avec un répertoire uniquement "Samba". Les étudiants brésiliens de la cité universitaire ne manquaient jamais ces vendredis de folie….

C'est dans cet orchestre où j'ai pris, je ne le cache pas, mes plus grands "pieds musicaux"! : La bave sur la basse !! (sic). Notre groupe  comprenait Ney del Castro (dms), le martiniquais Fayovet (tp), le cubain Picolino (ts), le chanteur brésilien Hélio, le pianiste Gérard Dourian, et moi-même, cette fois à la contrebasse. Quelque fois, Michel Portal venait, à la flûte en remplaçant de Fayovet.

Pendant les pauses, il m'ait arrivé quelquefois de monter au 1er étage pour écouter l'orchestre russe de Marc de Loutchek avec accordéon et balalaïkas, Aliosha et la chanteuse Olga Potemkine... Culs secs et verres brisés...un autre délire, avant les larmes de la nostalgie…


Les délires de "La Grande Séverine" :

Je laisse la parole à René Urtreger : "J'étais là bien avant les orchestres brésilien et russe. J'avais Emmanuel Soudieux (cb) et Franco Manzecchi (dms) à la rythmique et parmi les soufflants, il y avait François Jeannot (ts) et Luis Fuentès (tb) et de temps en temps !! : Chet Baker…  En fait de Jazz, on devait jouer de la musique douce, pour ne pas perturber les dîners d'affaires… En réalité, le patron du lieu, un grand éditeur ne savait pas trop ce qu'il voulait comme style d'orchestre. Plus tard, il a ajouté un orchestre brésilien au rez de chaussée et un orchestre russe au 1ier étage.  


ça mitraille dans la rue !

Une nuit, à la fermeture, un cauchemar nous attendait à la sortie : une fusillade entre le MNA et le FLN  dans la rue St Séverin. Impossible de sortir !, les CRS bouclaient le quartier.


Avec Bill Coleman

Je suis resté à La Grande Séverine jusqu'au 20 décembre 62 pour partir 15 jours au sport d'hiver en Suisse à Crans-sur-Sierre  avec le grand trompettiste, le doux swingman  Bill Coleman, accompagné par Bernard Estardy, Gilles Nicolas, Charles Barrié et son phrasé Lester Young au sax ténor et moi à la guitare basse. (Cachets de 60 FS moins les impôts suisses. Une jolie fan de 16 ou 17 ans venait là, tous les soirs, en voisine :  Géraldine Chaplin.

A crans sur siere 1De g. à d. : Bernard Estardy, Bill Coleman, Charles Barrié, et "Lulu" à la guitare basse. Caché : Gilles Nicolas


Suite dans la page

Chez Jacques Hélian  1963/64

(C'est u-ne fleur  de Paris...)

 

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