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Ouest Canada et Californie

 La Colombie Britanique  (Canada)

 Traversée Est-Ouest  par le transcanadien.

Texte de Philou :

20 août 70 : Trois jours et deux nuits de Montréal à Vancouver, 4800 kms sans changer de pays ! Des forêts de petits sapins fournis et d'innombrables lacs pour le Québec et l'Ontario, d'immenses plaines de cultures de blé, de maïs et d'avoine dans le Manitoba et encore des lacs et encore des forêts.

A Jasper, on aborde les Montagnes Rocheuses, enfin. Le rail et la route transcanadienne, seules voies de communication d'une côte à l'autre, se faufilent dans des gorges sauvages, s'agrippent à la rocaille abrupte, se creusent un chemin de taupe quand l'obstacle est infranchissable.

Pas de touristes, ils s'y perdraient, plus de pollution, la nature reprend ses droits. Dans l'eau verte d'un torrent, on surprend deux biches qui se désaltèrent, paisibles, le museau dans l'eau glacée pas même effrayées par le passage du train. D'un côté, il faut s'écraser le nez sur les vitres pour apercevoir les sommets, de l'autre, entre la montagne abrupte et nous : une barrière sombre et austère défile à 140 à l'heure : les rudes sapins canadiens.


Vancouver.

Le service de la C.N. est courtois et pratique. A Vancouver les bagages sont portés sans pourboire ni mauvaise volonté devant la station de taxi. On demande "China Town" le quartier pitoresque.

Le thé brulant nous fait pousser des soupirs de plaisir. Enfin, on est arrivé, les bagages sont à la consigne, on se détend, après la chaleur humide et écrasante de Montréal, l'air vif et clair de Vancouver entre la montagne et la mer, l'ombre fraîche et le soleil émoustillant, ça vous ravigote un bonhomme !

On traverse, les voitures s'arrêtent, les piétons, eux, attendent sagement leur tour. Voilà donc ces anglais, ces "maudits anglais" tant vomis par les Québecois, ces êtres perfides et dangereux...

On trouve un pieu pour la nuit dans "China Town" : trois dollars pour les deux... Une très vieille maison comme toutes celles du quartier d'ailleurs, pompeusement appelée "Hôtel". La chambre sent la pisse, il y a des trous pour mater surtout dans les chiottes, mais merde, c'est mieux que la rue, et puis, c'est pas cher et pittoresque !

D'étranges individus, l'un galeux, je l'ai surpris sur son lit en train de gratter ses croûtes, l'autre stone, le troisième plein comme une barrique évoluent comme au ralenti. Un hippie, la toison en broussaille, l'œil loin, l'ineffable sourire du stone à plein temps, nous fait un "hello" surnaturel.

Au milieu de la nuit, nous sommes réveillés par un formidable hurlement à répétitions décroissantes, une crise ? de quoi ? qui ? Ce n'est pas la famille chinoise qui tient l'hôtel qui s'en inquiétera. La première parole que la patronne nous dira au matin "Are you going to stay ?" (Allez-vous rester ?).

C'est ça qui compte. Quant aux sourires, elle n'en a pas à perdre. On en finirait pas avec la cloche pisseuse qui traîne dans le quartier, toujours le plein de bière, beaucoup avec des gnons tout frais de la veille, encore sanguinolents.

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Et les indiens ...?

Sur une petite place triangulaire, affalés sur les bancs,les murs de pierres et dans la poussière, parmi les papiers graisseux et les cannettes de bière, trône les vestiges de la race indienne. Dégénérés et ricanants, assis faute de pouvoir se tenir debout, ils végètent au soleil, ces indiens, ces fantoômes tout de guingois. anéantis définitivement par l'alcool, ils sont dans l'incapacité totale de s'intégrer d'un façon ou d'une autre. Il reçoivent une pension, ce qui a pour but d'abêtir leur innocence au lieu de l'adapter un temps soit peu à une vie si différente.

Une religieuse rencontrée dans le train et qui faisait l'école dans une réserve d'indiens du Manitoba a eu cette remarque candide : "Il faut leur reconnaître une qualité : ils n'ont pas de rancune !        Forcément, ils oublient tout ! Grands enfants à jamais...

C'est vrai qu'on a tout fait de vous avec "l'eau de feu", même qu'on a remplacé dans vos réserves vos totems par des crucifix et votre artisanat par des juke-box... (Notes de "soeur" Francine...)

Pourtant,  malgré  la  crasse  et  la  misère  de ce quartier,  il  y a un sourire à Vancouver qui n'existe pas à Montréal, une douceur de vivre, un calme, une gentillesse dans les rapports qui tiennent  peut-être au climat tempéré,  à la présence de nombreux hippies ou encore à  la courtoisie anglaise.

On flâne à Stanley-Park, là, se niche un petit paradis de civisme. Une herbe menue, grasse, sans papiers, on s'y assoie, on peut même s'y embrasser. Des fleurs, des arbres judicieusement assemblés pour leur feuillage et leurs nuances symphonisent de verdures. Plus loin, un amour de petit zoo, de jeunes étudiants veillent sur les cages. Une petite enceinte où trottent des ânes, des veaux, des poules et des chèvres culottées qui vous poussent du museau si vous n'avez rien à leur donner. Des phoques apprivoisés poussent de petits cris et exécutent des tourbillons gracieux pour inviter à venir gambader dans la pièce d'eau.

Dans une petite fosse en béton entourée d'un mur de 60 cm, plusieurs générations de couleuvres grouillent innocemment. "Dont' pick up the snakes" : ne prenez pas les serpents ! Le premier recul passé, on imagine le titi du coin qui trouvera génial d'en fourrer un dans un sac ou dans une poche féminine.

Et bien non, on regarde avec intérêt mais on ne touche pas, ce qui permet d'avoir ces animaux à portée de la main, de les contempler sous le nez sans qu'aucun abus soit le prétexte pour interposer un grillage ou un verrou protecteur. Civisme, amour des animaux, respect de l'ordre, Vancouver nous fait penser à la Suisse mais une Suisse plus souriante, plus détendue. 

Les flics eux-mêmes semblent tolérants dans leurs chemisettes bleues, mais mieux vaut ne pas trop rêver ! Bref, ces 3 jours à Vancouver nous furent cléments et cette approche toute superficielle fut comme un sourire gratuit.

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Notre cargo est arrivé...

23 août. Notre cargo pour Hong-Kong est arrivé à Vancouver, hier soir, avec deux jours de retard.       On vient de déposer notre matériel dans notre future cabine, lui doit aller se faire gratter la coque pendant trois semaines à Seattle, en Californie. A bientôt "Ragna Bakke" puisque c'est ton nom, bonne gratte ! et à bientôt.

Nous, on va aller le rejoindre à San Francisco, légers comme on est, on y sera avant lui. A midi, on laisse Vancouver. Le Greyhound nous emmène jusqu'à la frontière américaine toute proche. Pour le stop, c'est un plaisir. La première voiture qui passe s'arrête, quatre jeunes de Chicago sont affalés dans un minibus VW, un immense drapeau yankee forme le plafond, on sent l'influence d' "Easy rider", ce film aura vraiment été symbolique pour les jeunes américains.

Nous roulons à l'ombre du drapeau américain jusqu'à Seattle, puis un étudiant en anthropologie nous mène à Portland, un type très sympa qui nous offre des raisins secs et de la marihuana, mais la journée comme ça, on n'y tient pas trop, la griserie du paysage suffit : notre dernier "lift" à la nuit tombante nous propulse à grande vitesse dans une "camaro" impressionnante. On s'inquiète un peu car notre homme sirote à petits coups...  Mais il fait si bon dans sa voiture et on dévorerait des milles...  Une caisse de bières est là à côté du changement de vitesse.

Il nous propose de coucher chez lui. On le regarde, rien de particulièrement suspect, l'américain bonard, autant que la pénombre nous le laisse deviner. Il partage une somptueuse villa avec un autre couple. On entre, ils  sont installés, plutôt affalés devant la télé, la bière à la main, la trentaine environ : base-ball, on n'est pas tellement intéressés. "Hello! -Hello !"

La conversation aura été courte et essentielle : ils s'en foutent. Quand on vous aura montré la caisse à bières au cas où vous auriez soif, le frigo-avec-des-trucs-immangeables-dedans au cas où vous auriez faim et la chambre au cas où vous auriez sommeil, les relations humaines seront réduites à leur plus simple expression… Quant au plumard, on l'a drôlement apprécié.

La veille, notre conducteur nous avait nous avait appris qu'il roulait tous les jours 200 km le matin pour aller à son travail et 200 km le soir pour en revenir. Ce matin, à 5 h, il nous a réveillés pour nous remettre sur l'autoroute. Avant de démarrer, il est allé mettre dans son coffre une paire de chaussures à crochets pour grimper sur les poteaux télégraphiques. On a enfin su quel était son métier.


La Californie (USA)

San Francisco : A la tombée de la nuit, on est à St Francisco; on a eu du pot, faire 600km en stop en un jour et demi, c'est pas mal.

12 frisco cable carSan Francisco est vraiment une ville merveilleuse... C'est propre, très escarpé, de jolies maisons un peu farfelues, des rues qui montent et qui descendent comme pour vous inviter à la fête. Partout des gens détendus, tranquilles, souriants… mais merde, ça caille, ça c'était pas prévu ! Encore moins les pulls dans notre petite musette. Après les 35° à l'ombre de Montréal, le vent glacé refroidit notre enthousiasme.

Pourtant c'est quand même énivrant cette excitation de vacances. Les "cable-cars", ces tramways tirés par des câbles qui courent dans la chaussée font roucouler de plaisir les nombreux  touristes. Un vrai petit train d'agrément pour jardins publics et comme les rues montent et descendent en pente raide, on se croirait dans les montagnes russes.


A l'agence "Knutsen Line"

Une mauvaise nouvelle nous attend à la Knutsen Line : en achetant notre ticket de bateau pour Hon-Kong, on apprend qu'il nous faut un tcket de sortie pour avoir la permission d'y entrer. C'est sans appel. Le Consulat britannique ne veut rein savoir. Le moins cher pour sortir de Hong-Kong, c'est les Philippines mais il faut avoir également un visa et également un ticket dce sortie, c'est logique! ça s'annonce mal cal el consulat de Manille se trouve à Washington. ça sent l'embrouille...!

Le plus simple nous dit-on s'est d'avoir un ticket de retour pour la France puisque nous sommes français, ça c'est malin. Le doigt sur le planisphère, on caresse le Japon, puis Formose, la Corée...

Vite on téléphone au consulat japonais, un peu paniqués...Non, le Japon ne demande pas de ticket de sortie, ouf !  On s'en tire avec 2 allers Hong-Kong-Japon pour 2 fois 145 dollars que l'on paie la mort dans l'âme, nous qui avions calculé large, il va falloir se serrer la ceinture !

ça souffle 24 h sur 24 dans ce sacré San francisco nommé "Frisco". Pourtant c'est quand même énivrant cette excitation de vacances. Les "cable-cars", ces tramways tirés par des cables qui courent dans la chaussée font roucouler de plaisir les nombreux touristes. Un vrai petit train de plaisir pour jardins publics et, comme les rues montent et descendent en pentes raides, on se croirait dans les montagnes russes.


On recherche Karen...

On pensait bien trouver en Karen, compagne de Michel Zaoui, clarinettiste-jazz du Quartier Latin retrouvé à Montréal, un moyen de nous héberger jusqu'au 15 septembre, jour de l'arrivée du bateau…

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 Nous la surprenons dans le restaurant où elle termine sa dernière caricature. Sans nous prévenir, elle nous dessine en rigolant avec de grands gestes gracieux ponctués toutes les 30 sec. par un tonitruant "SMILE". Elle a une sacrée technique la Karen ! Quel talent !

Au coin de la rue, elle nous présente Gilles un marseillais qui vend des journaux érotico-révolutionnaires, c'est une aubaine car c'est chez lui qu'on ira s'écrouler de fatigue sur un matelas inespéré. L'air est d'une clarté intense et pourtant, il est pollué, chaque détail, chaque couleur se détachent avec une netteté irréelle. Les collines pelées et dorées ondulent lascivement, les voiles picorent la baie, indolentes.

Les bateaux amarrés dansent, clapotent les derniers petits potins. Une sorte de gaîté émane de ce farniente qui ne connait pas la misère.


Sausalito

Des poitrines agressives ou paresseuses sursautent en liberté dans les vastes tentures drapées à la gitane ou à l'indienne ou tout simplement selon l'inspiration du moment. Sourires  pour sourires et  signe de paix    "Brotherly frienship is now",  Francine revient de Sausalito, seule, en stop, emballée la Francine, épanouie comme jamais, rayonnante !

  "Tu t'rends compte, j'ai passé un après-midi fantastique, je suis même allée danser...

- ??? - Même que j'ai pas été draguée une seule fois ! Sur la plage, une terrasse, un orchestre, je m'approche, je m'assois, un noir m'invite à danser ! moi qui ne danse jamais, qui fuit les discothèques et les contorsions de minets, voilà que je me lève, je  décolle.

Je le regarde dans les yeux… "Let it danse baby ! " Il parle de moi ! J'y vais. On a du danser une heure, on s'excitait terriblement sans aucun autre contact que nos yeux, il se marrait comme un fou hilare, trempé de sueur.  J'ai senti la musique me faire mousser ;  le rythme devenait de plus en plus intelligible, intérieur, irrésistible. Tout d'un coup, je me suis sentie libre, complètement libre de mon corps, non pas une nénette...

- Avec un beau p'tit cul... - Déconnes pas Philou, tu n'peux pas savoir... non pas seulement une nénette mais un être humain à part entière… tu comprends ?

Elle était heureuse, belle, magnifique ma Francine...

L'atmosphère de "Mai 68" qui règne à St Francisco la stimule, l'envie lui reprend de témoigner :

Pour nous, européennes, toute extériorisation, toute expression réelle est un dénuement, une timidité dévoilée, sans défense, elle fait toujours place à un embarras pudique, presque à  une honte de s'être laissé aller. Le bon goût, le snobisme de bon aloi commandent l'indifférence, la non-émotivité.

Le self-control et la politesse traditionnelle conseillent le sourire intelligent plutôt que l'éclat de rire ou le déboulonnement  grossier des passions. Toute spontanéité est ainsi étouffée dans l'œuf.

Ici, en Californie, on découvre le culte du naturel, de l'expression spontanée, c'est comme une naissance et la sensibilité trop souvent inhibée s'éveille, timide,au soleil de la sympathie.

Francine continue : Ici, quand tu fais quelque chose de soudain beau, un de ces gestes qui part tout seul, on va venir à toi pour te remercier, pour t'embrasser. Il n'y a pas de milieu chez la femme américaine,  ou c'est cet être libre et naturel ou c'est l'emmerdeuse avec des problèmes plein son cabat : de sexe, de civilisation, de n'importe quoi.


Gilles nous laisse sa piaule...

Gilles notre pote, est parti une semaine à Phénix en Arizona chez une petite américaine adorable et exécrable à la fois. Il l'imite : "J'ai connu un homme, ça m'a fait mal, un vrai lapin..." Si tu t'étonnes, t'intéresses à son cas, c'est le coup de foudre ! il continue, l'imitant : "Je veux t'épouser, tu n'auras qu'à travailler avec mon père qui est plombier..." !!

N'oublions pas qu'un plombier, ici, ça signifie riche villa, piscine, deux ou trois voitures, climatisation et tout le merdier !  - D'autre part, quand tu l'embrasses et qu'elle en a  assez, elle te tape sur l'épaule et reprend conversation avec sa copine, te laissant tout con et furieux.

" Pour descendre de voiture, elle attend que tu viennes lui ouvrir la porte, si tu parles de quelque chose qui ne l'intéresse pas, sa jolie petite gueule se chiffonne et déclare :"stop it", (ça suffit !).

Je passe sur les parents, on ne peut plus compréhensifs puisque c'est du bonheur de leur fille qu'il s'agit. Quant aux voisins, ils ont dû recevoir la consigne, car ils se confondent en petits signes complices."

Tout ça s'arrangerait à merveille par un divorce bienvenu, si chaque mariage raté ne se soldait pas par une pension alimentaire, c'est la moindre des choses. On se souvient de ces groupes de guenons autoritaires arpentant les couloirs moelleux de l'Acapulco Hilton, jacassantes, encombrantes, sûres de leur supériorité d'améri­caine-way-of-life, achetant n'importe quoi  "Plus c'est cher, plus c'est beau", et pourrissant tout par leur pourboire corrupteur.

Ces mégères divorcées trois ou quatre fois vont d'Hilton en Hilton, on les retrouvera à Hong-Kong, à Tokyo, à Bangkok, elles défigurent même Bali, trouvant les gens "attentionnés". "adorables", Elles ne font même pas guilli-guilli aux enfants de couleur, ne voient rien, mais reviennent avec des piles et des piles de photos, de diapositives, de dépliants, de prospectus and so on...

Et, pendant ce temps, pour payer ces pensions, les cons de maris, ces esclaves du xxe siècle travaillent 12 h par jour, font souvent deux boulots,  ça les empêche de se mettre en grève s'ils en avaient envie et ça fait marcher le business.

Eh ! l'Amérique ! Tu viens d'envoyer deux mecs sur la lune pour aller ramasser  des cailloux et pendant ce temps la liberté de tes bonhommes se fait piéger connement, faut réagir... Nous n'aurons pas vu la plage nue, ni le grand canyon, ni Disneyland ; comme d'habitude, nous n'aurons rien "visité", mais nous aurons passé trois semaines pas comme les autres.

On était pas payés cher, on dormait pas beaucoup mais qu'est-ce qu'on a rigolé...   Trois semaines à cinq dans une chambre et cuisine. Entre Paris et Marseille, Mulhouse et le Pays Basque, la France était assez bien représentée : une caricature gaillarde et cynique sur ce petit bout d'Amérique, sur ce petit bout de terre incroyable qu'est San Francisco .

9 berklee barbSur le "Fisherman's Wharf" Francine remplace Gilles pour la vente des " Berk'lee-Barb "


A Berkeley

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Dans le parc de l'Université

Berklee market

Le marché de Berkeley University

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Les "Hare Krishna"


Francine "barmaid"

"Il est brave cet enculé !" : Une de ses jolies réparties qui reste à Francine de son passage au "Montmartre", petit bar français tenu par des Marseillais. La verve marseillaise, soigneusement entretenue pour le business, un peu cristalisée dans ce passé heureusement lointain de la "Belle de Mai" et du tapin du  bon vieux temps. Elle a fait du chemin depuis et c'est tout à son honneur. "Je suis chez moi ici".

Personne n'osera la contredire si ce n'est pas pour lui extirper une riposte qui fer leur délice. A deux heures moins le quart, tous les soirs depuis une semaine, je vais chercher Francine, on nous a prévenus, les rues ne sont pas sûres.

Francine raconte : A 2 heures la patronne lance un impératif : "Cassez-vous les petits" c'est l'heure" ! il faut manger à tous les rateliers, qu'elle dit et c'est pour ça qu'on arrange les histoires avec le gros Jimmy, qui mieux qu'un coeur inutile, arbore sur son uniforme bleu marine la seule étoile qui fait rêver : l'étoile du shérif.

Le maquillage est là, mais cherche l'élégance, les mèches sont discrètement cendrées, la robe sobre. Quand au sourire, il ne supporte aucune hésitation, aucune contreverse : "Je suis devenue une dame".

Q'un ennui, qu'un petit incident survienne et le charme se brise, le sourire se rétracte, l'oeil se noircit, se durcit, les rides apaisées par le sourire se plissent intensément et une incroyable autorité se dégage.

 La vulgarité jubile, bouscule la grande dame, déferle sur l'inopportun avec ironie, avec le charme de l'a-propos qui ne s'apprend pas, le pittoresque coloré et la rigolade toujours au bout : plus c'est méchant, plus c'est drôle et plus c'est gagné. Il n'y a que Marseille qui sache parler comme ça, qui sache faire grouiller les morts; les fasse courir, se répondre et en faire des petits, car les mots, ça se frottent, ça s'aiment ça fait des petits sans savoir, sans faire exprès, té !

Roger, le barman, le fils de la patronne, est un mec sympa, beau. Il a tous les soirs une mangeoire de filles qui se brochettent a son bar. Marrant, tout le monde veut l'entendre raconter des histoires de Marseille bien sûr. Comme barman, c'est un fameux. Bien sûr, il a quelques idées bien à lui - Le jour où la chasse aux hippies et aux noirs sera ouverte, j'ai 40 fusils à lunette qui attendent à la maison.

Ça fait partie de ces bons trucs qui font partir et rejaillir une conversation, chacun y met son opinion, mais au fond tout le monde est d'accord. Il continue : - Les femmes asiatiques, ça m'agacent. tu comprends, elles sont toujours là à te faire un petit massage, à enlever tes godasses, à te servir le thé, d'ailleurs, moi j'aime pas ça le thé ! Et puis elle ont une odeur sucrée et puis moi,j'aime qu'on me foute la paix, hé ! - Ah ! sacré Roger, qu'on rétorque, t'es bien de Marseille toi !

Il se rengorge sur le compliment, mais n'oublie pas pour autant d'envoyer Francine servir deux clients qui n'ont pas encore franchi la porte !

Aller les potes, il faut encore se quitter, on s'est jetés les uns contre les autres sans retenue et sans pudeur, sans réfléchir et sans perdre de temps... Aujourd'hui, c'est le 15 septembre et s'est fini, alors salut !

On se raccroche aux adresses en France, dommage de quitter de si bons potes mais au fond, on préfère partir et si la France fait sa chiante au retour, on espère très fort en retrouver quelques-uns et cette fois ce sera encore pour partager, tripoter des anecdotes en allumant un feu de cheminée, sans hâte, avec la précision du plaisir bien préparé. (Texte de Francine)


Du 15/9 au 1/10 /70 :Traversée du Pacifique vers : Hong-Kong

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17 jours dans l'Océan Pacifique

 

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