Faire d'la piaste

 

      Chez Clairette

3 novembre 69.  Son chapeau noir sur l'oreille, des cheveux courts et clairs, l'oeil légèrement tiré sur les tempes, les mains l'une dans l'autre sagement, dignement posées sur la nappe à carreaux rouge et blanc.

- Je me présente Gemma Barra, imprésario.

Elle vient de nous entendre. Si elle nous dit que ça lui a plu, on va pas la contredire. - Très personnel.

Un accent appliqué, elle a pris des cours de diction, elle a fait du théâtre, elle est aussi chanteuse, impresario, a une maison de disques — aucun disque n'est encore paru —, s'occupe d'un nombre très restreint et très peu connu d'artistes. Il faut qu'elle les aime ! Elle travaille avec son cœur et mise surtout sur les programmes de radio et T.V

- Il faut rentrer au syndicat des musiciens si vous voulez faire des T.V. - Ça tombe bien, on est en train d'obtenir notre carte par notre 2e versement.

Gemma, petite bonne femme bien mise a 32 ans mais au Québec, la jeunesse ne signifie pas inexpérience mais dynamisme. Bon côté. Le plus coton reste toujours comment présenter notre répertoire hétéroclite. Faute de savoir ce que veut le public, on y fout un peu de tout et c'est au laïus de faire la liaison.

"Chez Clairette" on a misé sur la note gaie après les réflexions de Tex Lecor On termine sur un pot-pourri 1900 : (Viens poupoule , La java bleue, etc...).

Si jamais ça mord pas, je préviens les réflexions en disant que les chansons dramatiques c'est bien beau mais qu'il faut savoir encore rigoler gna gna gna... Ça a fait tilt ! La gaffe!, la Clairette suffoque, s'empare du micro avec une lourdeur réaliste et théâtrale qui fait trembler le triceps laiteux de son bras droit.

- Mes petits, sachez une chose. Moi aussi quand j'avais votre âge, moi aussi je chantais la chanson légère. Mais apprenez à savoir respecter les grands compositeurs et quand vous aurez déçu, quand vous aurez pris de la bouteille mes tous petits, je vous souhaite que vous parliez les larmes aux yeux de Brel, mon grand copain qui vient me voir ici chaque fois qu'il passe à Montréal, de Ferré, le grand Ferré…

Je veux répondre, Philou me plante un coude dans les côtes.

- Ferme-là, qu'est-ce que ça peut te foutre, tu vois pas qu'elle est jalouse de ta jeunesse, la vieille, elle vieillit mal, c'est tout…

Plus de boulot. Tex l'avait dit : "Y'a que les clubs." D'après ce qu'on nous en a dit, on est assez terrorisés. Ça doit ressembler à une arène, une lutte de force entre les amplis et la salle.

On nous file l'adresse de trois agences de booking. On choisit la première, celle qui est la plus près de chez nous: l' "Agence Daniel".


A Agence Daniel.

Sonnette, on pousse la porte, c'est bien ici. Bureaux, 5 téléphones, de la paperasse inondée de cendriers, toutes fenêtres fermées, brouillard de fumée dense, machines à écrire. Pas de conversation sans sonnerie de téléphone - Minute si vous plaît.

Un mec et deux femmes, il repose l'écouteur… - Puis qu'à c'est qu'vous voulez ? - Duo Francine et Philou depuis trois mois à Montréal dont deux chez la mère Martin, huit mois de Mexique...

On tend le Press-book... regarde pas...  - Bientôt un disque avec Nolès... - Vous chantez quoi ? On lui montre un répertoire bidon tapé à la machine avec les titres les plus commerciaux, les plus putes.

Il ouvre un cahier à grands carreaux presque tous remplis. - La semaine prochaine, "La Tuque", 16 shows, 250 dollars, nourris-logés, ça va t'y ? Avez-vous un char ? - Oui. - O.K. ! Revenez demain chercher le contrat. Le téléphone résonne, il allume une cigarette : plus qu'à sortir. - Bonjour ! Il entend plus le gazé de l'agence !


Acheter un char au Québec.

Françoué : - Rien de plus facile que d'acheter un char au Québec. T'achètes les plaques d'immatriculation, tu vas avec le vendeur dans un bureau pour jurer sur la bible que la voiture a réellement été vendue 100 dollars, pis t'es libre et propriétaire d'un Chevrolet 63 blanc, décapotable, 8 cylindres, des vitres qui montent et qui descendent en appuyant sur des boutons... - Françoué, t'es un copain !

Y'a plus qu'à recoudre la fermeture éclair du mica arrière, j'achèterai des grosses aiguilles, mon Philou.  Les gros trous dans le bas de la carrosserie ça n'empêchent pas de rouler ! !


A La Tuque

16 novembre 69.  La Tuque, 300 km au nord de Montréal. Fait froid, ça pince les oreilles. La salle de bains est dans le couloir mais y'a la télé dans la chambre.

A 6 h du soir la "maîtress" se présente, maillotée de fils argentés, les cuisses bourrelotées, grande gueule de fille sympathique. Elle voit à qui elle a affaire, nous présente ses copains : Johnny, Real et toute la bande, sûr qu'ils applaudiront bien fort, pas ?

L'estrade, ici, la prise pour les amplis, les musiciens pour la répète, - Mais on veut pas de musiciens ! - Si, si, le patron les paie, faut qui jouent : un organiste et un batteur qui travaillent le jour à l'usine de papier, t'as pas senti l'odeur, ça pue en maudit !

Dans la salle à manger, le cuistot vient nous serrer la main, la rétine décollée : il faisait partie du régiment de la chaudière, les volontaires canadiens pour le débarquement en Normandie. C'était son bon temps à lui, il a laissé que des copains là-bas...

Et sans qu'on le veuille, roulement de tambour : - "Direct du Mexique, les prodigieux Francine et Philou."

Les spots s'allument, brouhaha, gloussements, des tables d'indiens, la tignasse drue, le dos arrondi au-dessus des bières. Et bien, ça a pas si mal marché que ça ! Des hommes abrutis mais simples, des travailleurs grossiers mais bons enfants, la paluche près des fesses mais pas trop criticards, juste les jurons de bon aloi, les insultes de bonne santé et de bienvenue. De toute façon, faudra s'y faire, content, pas content, content quand même.


Des contrats en vue...

Dans la piaule j'écris les paroles d'une chanson. J'arrive pas à me défaire des bandes de Brassens qu'on vient d'écouter. - Mais pond, bon Dieu ! Nolès nous a incité à placer dans le disque des chansons de notre composition.

Coup de téléphone à 8 h du soir : Gemma Barra. - Deux télés à Québec, 400 dollars, ça vous va ? - Et comment ! - Plus deux soirs dans une boîte à chansons : le "Chantauteuil", 100 dollars par soir…

L'œil droit et le cœur bandé, on affronte tous les soirs la tabagie du club — prononcer le U comme un U — ou autrement nommé : "Le Cabaret".

L'épreuve de force, les musiciens, eux, sourient, ils ont l'air de trouver ça normal. Les filles, cuisses à l'air, font les tables au milieu des rires, ricanent. C'est dans des endroits semblables que tous les soirs, les québécois de la Belle Province viennent s'aérer.


Dans un Club de chasse...

Le patron est un mec chouette, c'est vrai. Il nous a trimballé aujourd'hui dans son club de chasse, très privé et très dispendieux. Il a raté un lièvre blanc comme la neige qui est tombé des branches à son coup de fusil. Sur le sentier glacé, il a repéré des traces d'orignal, mais elles n'étaient pas fraîches, deux jours au moins. Sur le bas côté, des oiseaux sombres se sont envolés à notre approche.

Un ourson crevé pétrifié par le froid ! On s'est arrêté devant le camp du trappeur, le garde, il était en train de tendre sur du liège à l'aide d'aiguilles, des peaux de castor.

De la traditionnelle chemise à carreaux rouges, deux paluches rêches et poilues mais habiles en crisse ! Fa frète ! Traduire : il fait bigrement froid et encore, paraît que c'est rien, ça va descendre jusqu'à moins quarante degrés, mais ici, c'est pas comme à Montréal, c'est un froid sec ! Heureusement qu'avant de partir j'ai acheté à l'Armée du Salut un manteau en loutre d'occasion pour 30 piasses.


23 novembre 69 C'est dans la nuit froide et neigeuse du samedi soir qu'on repart sur Montréal sitôt le dernier show envoyé, on y tenait plus, on a tellement hâte de retrouver notre petite mansarde, d'oublier vite cette rude semaine, le temps de se refaire une cuirasse.

Le lendemain, on retéléphone à l'Agence Daniel : - Ce soir, au " York Hotel " dans l'est de Montréal, 200 piasses, ça marche ? - OK ! - C'est bon, passez chercher le contrat cet après-midi, répétition au club à sept heures.


Au "York-Hôtel"

A Montréal aussi il a neigé, on range la Chevrolet devant la porte du "York-Hôtel", une rue noire de l'Est où les voitures ne s'arrêtent pas. Je pousse la lourde porte qui se referme sur le titre "go-go topless". Au milieu des peintures phosphorescentes, une lumière discontinue jette des éclairs sur un spectacle sinistre.

Dans une cage aux barreaux dorés, une fille les seins nus s'exhibe frénétiquement au rythme du juke-box, le slip tigré imitation. Les hommes lèvent leur bière, hilares, le cou tordu, la fesse molle. Fini, elle descend en remontant son slip, crevée, saisit son lance-pierres, va derrière s'essuyer à la serviette éponge et ragrafe ses élastiques. Elle saisit son plateau :- Vous désirez comme breuvage ? -  Une bière, une 50 !


A nous ...

Presque personne encore, un peu déboussolée par ma petite robe noire, mes seins de pigeon et ma ligne sauterelle, Philou est là derrière qui me pousse en souriant. 9 h : Dans la loge surchauffée par les canalisations, on programme : - T'es prête, p'tite Françinette ? - Et oui, je n'arrête pas d'être prête, trois shows par soir, ça va être long : 9 h 30, 10 h 30, le dernier à 1 h 30...

Un glapissement dans le couloir, une noire immense qui passe une tête crépue : - Oh !oh ! red bikini ! Elle regarde Philou en slip, elle a un corps terrible, une exultation, un sourire large, une présence tourbillonnante, c'est le strip-tease. - Un strip-tease ? - Oui et on passe après...

Didi la Noire, en reine de Saba, termine son strip, j'aurais cru qu'elle dansait mieux. A travers les rideaux, là-bas : la salle... Didi écarte les rideaux en gueulant contre les musiciens. Philou lui donne raison  - Ils ont sapé son "Caravane".

Eclat de rire, elle fout une grande claque sur les fesses de Philou : "Ouah! red bikini, red bikini !".

Le lendemain. On leur avait dit de ne pas nous accompagner, étaient-ils vexés ou n'ont-ils pas apprécié l'engueulade de Didi ? Toujours est-il que ni le trompette ni le sax, ni le bassiste ne sont venus. Restait le pianiste, affolé et misérable, pour l'accompagner... Philou saute sur sa basse : "Fly me to the moon" trop content de faire un peu de jazz... Didi en bondissait de joie !


Conséquences...

Bien longtemps plus tard, dans l'île de Guam exactement, alors qu'un impréssario américain nous avait obtenu un contrat dans un palace d'Hawaï  !! Ce contrat se verra bloqué par le syndicat des musiciens américains pour le motif "d'avoir cassé une grève de musiciens canadiens au "York Hôtel" de Montréal un certain 27 novembre 69".

Dimanche, on finit plus tôt car tout ferme à minuit. On a eu le temps d'apprendre que Didi faisait du striptease pour payer ces études de psycho à l'université de Montréal !


Vers Québec pour l'émission : "La Boème".

C'est incroyable ce que c'est grand un coffre de voiture américaine. Tout le matériel y est rentré : l'énorme baffle, les hauts-parleurs pour les voix, la longue caisse contenant la guitare et la basse, l'ampli et la valise. Derrière, une énorme banquette rouge, un chauffage à toute épreuve, 25 CV sous le capot, un frein à ne chatouiller que judicieusement, ça répond-la-tête-dans-le-pare-brise. C'est vraiment un gros char. Comme l'essence est trois fois moins cher qu'en France, le prix au kilomètre revient à celui d'une Dauphine ou à peu près. -100 dollars cette bagnole, c'est vraiment un bon bargain !

On est heureux, on a 660 dollars sur le compte, on remonte doucement la pente, il était temps !


On enregistre...

Philou paraît très surpris du calme régnant dans le studio, chaque technicien s'affaire calmement, le geste précis, le verbe utilitaire. Les décors représentent des tonnelles, des mémères sont là dans leurs plus beaux habits du dimanche, l'air sérieux de la femme qui se tient bien.

- J'ai fait pas mal de télé avec J.-C. Averty, y'avait plutôt intérêt à être présent quand il avait besoin de toi et ne pas être dans ses pattes le reste du temps, ça gueulait sec...

En effet, tout se passe bien, sans heurts. On chante "Céline" et "N'allez pas Julie" en fin d'émission.


Boîte à chansons "Champs-Auteuil"

5 et 6 décembre 69 . Pour la 1ière fois, on chante "Tout l'monde est malheureux" du grand Vignault : succès mitigé, notre imitation de l'accent canadien ne passe pas. - Pourquoi prenez-vous l'accent du terroir ? On ne sait vraiment plus quel accent prendre.

Pour se consoler, Philou revient avec un superbe manteau en chat sauvage : la bête... - Où t'as dégotté ça ? - A l'Armée du salut, 100 piasses !


A l'agence Langevin

Lundi 8 décembre 69 Ce matin, on téléphone à l'agence Langevin. Même atmosphère enfumée qu'à l'agence Daniel, même dialogue réduit à l'essentiel :- "Hôtel Windsor" à Granby, 240 piasses, douze shows pour la semaine, 45 miles de Montréal, c'est correct ?

 C'est un peu paniquant cette vitesse de vivre, l'après-midi on doit enregistrer "N'allez pas Julie", "Prends-moi toute avant qu'il pleuve" et "La polka des commères", deux de nos compositions écrites à la Tuque. Ce matin, on est allés faire éditer et déposer nos chansons à la C.P.P.A.C., les chansons, ça se pique…

La semaine dernière chez Rubin qui nous poursuit toujours pour nous faire signer son contrat d'exclusivité, on rencontre un "parolier", un français. Il veut nous faire chanter ses compositions… Je reconnais, de Charles d'Orléans : "Le temps a laissé son manteau de vent, de froidure et de pluie... " Il a pas peur le mec !

On doit finir le disque mardi prochain, pour qu'il puisse sortie en février. Gemma, elle, nous promet "200 M", émission de variété en janvier ou février. Elle mérite bien ses 15 % de commission.

Au "Patriote", on est allés plusieurs soirs de suite écouter Ricet-Barriet et Francis Lemarque. Ricet-Barriet nous a parlé gentiment : - Vous savez… la morosité, ça ne paie pas... On devait encore transpirer l'atmosphère du "York Hotel", lui ne saura jamais ce qu'un club veut dire. Tant mieux.

On sort du studio d'enregistrement et l'on a que le temps d'acheter du jambon qu'on dévorera, affamés, sur la route de Granby qui n'en finit pas de tourner, de pleuvoir, de se laisser deviner et la répétition est à 7 h.

69 12 trois pubs hotel 1Enfin, on est à l'heure, matériel monté, Claudette Ross se présente courte, rebondie, pétulante, le verbe haut et intarissable : c'est la "M.C"., la maîtresse de cérémonie, comme ils disent, ces gens du show-business.

Une espèce de bâton, au bout une tête de loup crépaillée, des lunettes noires sur un masque rébarbatif, la lipe morne, c'est Jean Parks, notre danseuse-stripteaseuse.

 Michel, lui à 13 ans, minuscule, ressuscite Fred Astaire avec un talent et un métier fous. Il a avec nous l'autorité d'un égal, son métier compense sa jeunesse. Sa mère le suit partout, elle tricote devant toutes les télés du Québec, elle veille au grain : -Y fait d'la piasses pour ses p'tits fraères pis ses p'tites sœurs.


Le cabaret : phénomène populaire...

Le cabaret au Canada, c'est un phénomène populaire, l'unique distraction commune aux jeunes et aux vieux : toutes classes, toute individualité viennent se mêler dans la bière et le cul pour déboucher sur l'anéantissement comateux qui passe par les accès de violence ou d'hallucinations classiques : l'un se prend pour un chef d'orchestre, nous dirige d'un air pénétré puis approuve, persuadé d'avoir été suivi et obéi. L'autre nous fait la crise du "macho", du mâle, du caïd : foudroyer l'autre d'une voix de stentor avec des gestes théâtraux qui doivent susciter le respect.

Comme ça rigole, ça s'empire... Régulièrement après chaque show, on me suit pour pouvoir mater quand je monte l'escalier, ou bien pour me féliciter en regrettant de n'avoir pas compris les paroles ! Le boss, lui, bien que notre show soit de 30mn, téléphone dans la chambre pour nous dire que c'est trop court !

Vendredi 12  Au soir… Claudette vient nous inviter à venir prendre un "drink" après le spectacle. Comme elle est très sympa, on peut pas refuser, on reste une heure puis on va se coucher.

Une discothèque, ça vous empêche de parler, y'a plus qu'à se tortiller comme tout un chacun, ou à boire, y'a rien à voir, c'est toujours pareil. Le grand avantage c'est qu'il n'y a plus qu'à se laisser faire, à s'imbiber de la musique ultra-forte, et puis, on a l'air comme tout le monde, ni plus triste ni plus gai, mais "IN".

- Samedi soir 13 décembre 69  Claudette rentre à 4 h de l'après-midi complètement paquetée, vraiment ben chaude, elle a son voyage. Elle essaie vainement d'expliquer à la réception qu'il faut la réveiller à 5 h 30, car le show est à 6 h. La soirée est très pénible pour elle, heureusement qu'une dose régulière de cognac la maintient en forme.

- C'est du croyable ? qu'elle me dit, chus rentré cet après-midi. - Tu t'es bien amusée au moins ? - J'ai passé toute la nuit avec le waiter. Oh c'lui là, l'est beau, tout à fait mon type, on s'est pacté la beigne ensemble mais on n'a pas fourré. - Pourquoi ? - J'me donne pas comme ça...! !


Manif à Montréal…

- Francine, réveille-toi, j'crois qu'on a besoin de toi pour lancer des pavés ! - Humm... - Si si!, c'est une manif… On descend voir, le social, c'est toujours intéressant. On croise Robert : - Y'a du fun en ville, les flics de Montréal manifestent : ils menacent de se mettre en grève pour 24 h. Des banderoles, des slogans, des milliers de flics place Jacques Quartier, on retrouve "Charlot des sous" ou quelque chose comme ça, celui-là est bien universel ! A midi, la grève est déclenchée.

A partir de 7 h et ce jusqu'à minuit, les plus beaux magasins de la rue Sainte-Catherine sont pillés sur une longueur de plus d'un kilomètre. Par qui ? Par Monsieur-et-Madame-toutle monde, par le Québécois-Moyen, par la "Majorité silencieuse".

Des femmes en bigoudis, d'autres en peignoir, passant par les devantures en éclats, essayent des manteaux de fourrure, l'occasion unique "je peux même prendre le plus cher", le rêve qui devient réalité, les marchands de chaussures envahis par des gens assis, qui, prenant leur temps, essaient la paire de chaussures qui tiendra bien la neige.

Et puis des taxis, beaucoup de taxis, envahis par des cartons ouverts, casseroles, bassines, télévisions ! Edmond, le poète, le suisse nous rapporta, scandalisé : - J'ai vu un mec arrêter une voiture, une grosse, lui proposer 100 piasses pour l'aider à sortir un orgue Hammon, le traîner jusqu'au coffre et l'emmener bride abattue, coffre à demi fermé. C'est beau la société de consommation, ça développe l'esprit civique… !


Notre visa de travail est terminé.

Jeudi soir à Granby, on s'est rendu compte, en feuilletant les passeports, que notre visa de travail était terminé. Sommes donc allés le lendemain matin à l'Immigration. On appréhendait un peu : mais non, ce ne sont pas des fonctionnaires mais des employés souriants, ils ne font pas partie des meubles, ça se sent. Philou en connaît un rayon dans les immigrations...

- Tu sais, c'est toujours là que commencent les salades. Quand ton visa est expiré, faut aller mendier une prolongation. C'est oui ou c'est non. Si c'est non, faut refaire les valoches, abandonner les amis, la fiancée, et partir au pays voisin le moins chiant et le moins cher, celui qui te bouffe le moins de dollars. Et l'aventure recommence.


A l'immigration...

Les immigrations : des filets aux mailles plus ou moins serrées. Ici, on bavarde avec l'employé, on lui montre nos articles de journaux, on lui parle de Nolès et de notre disque qui va sortir, on le fait un peu rêver, on a droit a couplet : - Je vous conseille d'immigrer, de faire une demande, pour cela il faut s'arrêter de travailler pendant trois mois…

- On revient à l'agence qui nous fait, immédiatement, cinq contrats bidons, c'était pas la première fois. Quelques jours plus tard, on revient à l'immigration, on fait trois heures de queue parmi des siciliens pleurnichards. Une fois de plus on obtiendra un nouveau mois de prolongation. Tous les mois le scénario sera le même en prenant toutefois le soin de ne pas tomber sur le même employé à chaque fois. Il durera jusqu'en août 70, ce qui nous utilisera un bon tiers des trente-deux pages de notre passeport.


Chansons érotiques...ou libertines ?

Lundi 15 décembre. On a 3 jours, vendredi, samedi, dimanche à "Grand-Mère", une agglomération près de "Trois-Rivières", à 120 milles de Montréal — 160 dollars nourris-logés. On en profite pour travailler les quatre chansons restantes.

Nolès nous téléphone : - Pour le titre du disque ce sera  "Les plus belles chansons érotiques".

- Mais ce ne sont pas des chansons érotiques, elles sont tout juste libertines ! - Oui mais faut que ça se vende et les gens ne comprendraient pas...

Jeudi 18. Ce soir, les quatre chansons sont en boîte, on était tellement énervés hier qu'on n'en a pas dormi de la nuit, Philou a dû les copier dix fois afin de mieux se les mettre dans la tête.


Noël 1969. La tempête s'est abattue ce matin ; à midi, on a déjà cinquante centimètres de neige, ça tombe toujours à grandes rafales. Robert nous dit : - Demain dans tous les journaux, une dizaine de banques auront été attaquées. Tous les ans, c'est pareil, la police est bloquée jusqu'à l'arrivée des chasse-neiges et comme on les passe que lorsque la tempête est finie, les bandits ont toute la nuit, ils viennent sur des raquettes et prennent leur temps !


A l'immigration.

 On est allé à l'immigration. Il y avait des siciliens, une véritable tribu... Robert nous explique : - On émigre en masse au Canada et de partout. Un jour c'est des turcs, le lendemain des grecs, des africains, etc. Le gouvernement d'Ottawa leur donne 160 piasses par mois d'allocation chômage, alors les cousins font venir les petits cousins. Ça favorise l'expansion des anglais. - ???

  - Oui, on leur dit que seules les écoles anglaises ont de la place, alors ces pauvres gens qui ne parlent bien souvent que leur dialecte se trouvent intégrés sans le savoir chez les anglais ; cette extermination des français dure depuis que la France nous a laissé tomber, il y a plus de 200 ans. Au début, y'avait même pas d'écoles pour les français, c'est grâce aux maudits curés qu'on a appris à lire, il faut le reconnaître.

Robert continue : - Les anglais avaient besoin de main-d'œuvre, c'était nous, mais maintenant, ils ont peur du séparatisme… - Tu n'crois pas que le séparatisme c'est un retour au nationalisme ? - Le nationalisme, c'est tannant et pourtant il faut bien passer par là pour contrôler l'exploitation du Québec. On a des minerais de fer dans le nord et tout ce fer est vendu par Ottawa aux américains pour une bouchée de pain. On est une colonie anglaise vendue aux américains. Robert est intarissable, il y croit à son Québec libre.


Fa frète à Montréal...

- 27 décembre 69. La neige tombe toujours, quatre-vingt centimètres dans les rues, douze hold-up de banque cette nuit d'après le journal. Hier soir, dans le sens contraire du vent, on ne pouvait plus respirer, on ne peut marcher que dans les sillons des voitures. Ce soir, à la télé, comme tous les samedis soirs, on a le choix entre vingt-trois films, plus de la moitié sont français, répartis sur douze chaînes.

De temps en temps, on va en voir un chez la concierge, adorable, on a vu, plutôt revu, l'admirable "La règle du jeu" de Renoir. A la fin, tout le monde ronflait, même Robert : - Vos affaires d'aristocratie, c'est ben plate à mourir!

Vers dix heures, on a essayé de sortir acheter des cigarettes. Dans la neige jusqu'aux cuisses, on avance, patauds. Philou a tout de l'ours avec son énorme manteau : il est content comme un gosse qui marche dans les caniveaux pour essayer ses bottes toutes neuves !

De porte en porte on peut suivre quelques essais de sentier, de déblaiement en déblaiement, on arrive à Dorchester, la plus large avenue de Montréal, le tabac c'est de l'autre côté. La traversée de Dorchester, c'est l'obstacle à franchir, le vent s'y engouffre avec des hurlements inconnus en France. Plus un pouce de neige mais un miroir. Des gens sont là, attendant la rafale moins violente.

Des gamins surtout tentent de traverser ces 40 m par un vent de travers de 130 km/h… Impossible, les tentatives échouent les unes après les autres ; sur les fesses, ça finit à plat ventre 300 m plus loin, bien loin du tabac jamais tant convoité !

- Tu fumeras pas ce soir, ça fera du bien aux poumons de ma p'tite caille, elle pourra chanter plus haut.  - Ouais ! La voiture a de plus en plus de mal à démarrer. Quand il fait en dessous de 0° Fareinheit (-17° centigrades) il faut se payer un "towing" ! On téléphone au garage, 5 ou 10 min après une camionnette vient avec un groupe de batterie elle-même alimentée par un générateur, le moteur tourne vite et ça part. Y'en a pour une minute, ça coûte 5 piasses à chaque fois.

Paraît que quand ça descend à moins trente degrés, aucune voiture américaine, même les Cadillac, ne peuvent démarrer, il faut absolument un petit moteur et une manivelle ! seules quelques dodoches circulent ! Ces matins-là, la vie s'arrête, les gens restent couchés, ceux qui doivent sortir se munissent de passe-montagne, c'est la radio qui le dit. Des oreilles se cassent, c'est pas des farces !


Au "Café Figaro" à Montréal.

Philou est parti chercher en métro un contrat chez Langevin, 250 dollars pour la semaine du réveillon du jour de l'an. Tous les soirs au Café Figaro à Montréal.

Pour une fois, on y entend un bon trio, de bons musiciens. On a eu droit à la beuverie du réveillon, aux petits chapeaux, aux types complètement paquetés-qui-montent-sur-la-scène et au mec des lumières qui ne loupait pas l'occasion de venir mater dans la loge, il y avait oublié tous ses outils dans la loge ... Y d'vait même s'arranger pour en déposer un autre à chaque entrée ! Y'a sûrement ben longtemps qu'il avait fait sauter la tarjette !

Un article vient de sortir sur notre futur disque : Pierre Nolès vient de découvrir... C'est nous les découverts…!

7 janvier 70 Nolès nous fait faire des photos chez un de ses amis photographes ; pendant deux heures, on est bombardés dans tous les sens : une centaine de photos. Il nous faut des posters, paraît-il, Langevin et Daniel nous en réclament à chaque contrat. Tout cela se décide très vite comme tout se fait en Amérique du Nord, on simplifie même le langage : il prend trop de temps !

Il fait plus doux : moins six degrés. Dans notre nid tout blanc, la petite fenêtre mansardée est constamment ouverte, il y fait une chaleur sèche et douillette. Ce sera, de la bonne trentaine d'endroits où nous avons vécu, l'un des plus intimes, l'un des meilleurs.

9 janvier 70. On passe notre "Driving license québécois". C'est un questionnaire à cases : une croix dans la supposée bonne case comme les examens. On pouvait conduire avec notre permis à condition d'avoir notre passeport sur nous. Pratiquement gratuit. On l'obtient en une heure sans problème.

10 Janvier 70. Ce soir à Sainte-Julienne : 40 milles de Montréal, 60 dollars pour deux jours ; mal payé mais après les fêtes  y'a pas de  boulot, on accepte. Moins 17 degrés, leur zéro Fareinheit. — En d'sous d'zero : "fa frète", comme on dit ici. Ces moins dix-sept degrés nous coûtent 5 dollars de towing.

Cette semaine, on est à l'hôtel "Aviation", 210 dollars ; c'est pas loin, on rentre tous les soirs, Philou fait tourner la voiture toutes les demi-heures. On est redemandés la semaine prochaine pour le Carnaval de Sainte-Julienne.

Le 21 janvier, on repasse au "Patriote" gratuitement comme tous ceux qui sont passés dans le courant de l'année. On y chantera trois chansons ; derrière nous : Diane Dufrène : quel talent !

Dans une semaine, on aura nos mille affiches (50/70) pour 95 piasses, c'est vraiment pas cher. Moins 21°degrés, on se porte bien, on a tellement d'emmerde avec la bagnole qu'on envisage de déménager pour habiter près d'un garage chauffé. A Montréal, on trouve facilement des logements  : to rent, to rent.


Ste Julienne

 A Ste Julienne, on doit d'abord aller jouer dans la salle municipale pour le "Grand souper canadien". Là, plus de 200 personnes sont invités à gueuletonner. On chante, gros succès, puis on est invités à venir dinner. Assis au milieu des petits vieux, ils ont bien du mal à nous comprendre : - C'est t'u vrai qu'les français d'France sont'y assez niaiseux pour accroire qu'les cana'iens ont des plum' su 'tête ? - ??? - ???

 

On se venge sur les "beans au lard" et sur la tourtière, orgueils de la tradition culinaire canadienne. A notre table, les gens ont l'air de se régaler. A l'hôtel, on a sympatisé avec le fils du patron. Stone ! il nous parlait  des heures du Mexique où il venait de passer trois jours avec ben du fun. On est allé voir ses chevaux, après une demi-heure de skidou à travers des champs de neige, on a vraiment apprécié le silence. Faut dire que le skidou, ça peut rivaliser avec une tronçonneuse sur le plan décibels. On les entend des kilomètres à la ronde, quelle pollution sonore dans un si beau paysage de neige ! - Pourquoi tant de boucan ? Philou amère : - Faut montrer qu'on en a un, c'est tout.

 


30-31 décembre et 1ier février 70 On est à Masquinongé, 150 dollars nourris-logés. Pas mal de dépenses cette semaine : 80 dollars d'assurance voiture pour six mois, 90 d'affiches et 36 pour les plaques d'immatriculation qu'on doit changer tous les ans, ce qui permet de contrôler les voitures. Ce matin, coup de fil de Nolès - Je ne suis pas satisfait des photos... - Sur la centaine... il n'y en a pas une ?            - J'aimerais mieux une photo en couleur, et à poil... ce serait plus commercial. Francine a dû lui raccrocher au nez !

6-7 février 70 La météo prévoit moins vingt-cinq degrés pour la nuit ! Ce soir et demain à Greenville, à la limite de l'Ontario, on y parle déjà anglais. La chambre : elle se situe à l'intérieur de l'hôtel. Je pousse la porte ou ce qui ressemble à une porte : des planches mal jointes font le tour de la pièce, sombre, on entre dans une caisse : pas de fenêtre ! On reverra longtemps le lavabo branlant, le lit douteux et l'ampoule sale qui pendait du plafond. Il a fallu dormir là, à 150 km de Montréal, dans un concert de toux, de ronflettes et d'orgasmes débridés.

On attend la sortie du disque le 15 février, on vit vingt-quatre heures sur vingt-quatre dans notre mansarde à cause du froid. En bas, quand on va téléphoner chez les concierges, une odeur de fumée refroidie, de vieille pipe, de soupe qui cuit ; c'est insupportable. Au Québec, après l'été indien on cloue ! définitivement les doubles fenêtres pour l'hiver, seule une chatière peut laisser passer un filet d'air. Aérer, c'est une perte de chaleur, et chauffer ça coûte des piasses, les appartements sont surchauffés mais irrespirables.


Problèmes avec le syndicat des musiciens

Le syndicat des musiciens nous avait donné une liste de cabarets ne prenant que des musiciens syndiqués au tarif minimum de 250 dollars sur Montréal et une autre, très longue celle-là, dont les propriétaires ne voulaient pas entendre parler de syndicat : c'était la liste noire… En jetant un coup d'œil, à part le "York Hôtel", on était passés que dans des endroits "maudits".

On arrive au "Café du Nord", vers la sortie nord-ouest de Montréal : bien payé, 250 dollars la semaine, les musiciens sont là, ils font danser entre les shows.

- C'est-y qu'vous êtes musiciens vous autres ? - Oui on s'accompagne nous-mêmes. - Etes-vous au syndicat ? - Oui, on sort nos cartes. Z'ont pas l'air content, ces rombiers.


Les musiciens étrangers à Paris ...

A Paris, au quartier, quand un étranger débarque, on le laisse jouer, "faire un bœuf" , qu'il puisse au moins montrer ce qu'il a dans le ventre. Si c'est intéressant, s'il amène quelque chose, on ferme les yeux et on ouvre ses oreilles, c'est tout, du moins ce qui se passe chez les jazzmen. Des tas de musiciens étrangers ont ainsi fait leur trou à Paris.


Des ambrouilles ?

- Avec qui travaillez-vous ? - Daniel ou Langevin... Ils nous regardent avec suspicion...

Sûr qu'on a travaillé dans des cabarets de la liste noire et ils le savent parfaitement. Etant membres du syndicat, on doit les refuser sous peine d'amende.

- C'est pas correct ça, j'm'en va parler au syndicat. - Si on travaillait que dans des cabarets syndiqués, on ne pourrait pas vivre, en plus, ce sont des cabarets qui paient beaucoup plus, ils demandent des noms connus... - J'm'en sacre ! c'est vos affaires à vous ça. On a tenu jusqu'à la fin de la semaine, péniblement.


Des progrès sur scène ??

Les shows nous apprennent à être agressifs sur la scène, il faut que les gens applaudissent, c'est une nécessité vitale, tout ce qu'on a gagné en punch, on le perd en nuances, la taverne s'en sacre des nuances !


Ambiance autour de nous...

On a deux nouvelles locataires, Suzanne et Lynda. Suzanne, 18 ans, est enceinte depuis deux mois, elle fume deux paquets de cigarettes par jour, très souvent sous acide.Francine la sœur de Léo essaie de lui faire prendre conscience de son cas. - Qui c'est le père

ta-J'cré qu'c'est Michel, chus pas sûre, y est-y assez beau par exemple, un maudit cul berna!

Nous, le Michel, on l'appelle Montherlant, le génie méconnu. Quand on lui a demandé ce qu'il faisait, il nous a répondu sérieusement : poète ! -  Pourquoi tu le fais pas sortir ? tu peux aller en clinique...-J'ai peur, qu'ça fait mal... Oh ! pis j't'assez contente, mon horoscope m'a dit d'le garder.-T'as jamais pris des pilules ? - Non, j'ai paeur, j'ai lu un journal que ça donnait le cancer

Lynda, c'est pas brillant non plus. Une brave fille, prend de l'acide, ne travaille pas, glandouille en vendant des bougies. Cinq ans de couvent. "Je suis séparatiste mais je ne sais pas pourquoi". "J'aime la musique underground, je suis pour la paix et l'amour, je touche l'assurance chômage et 5 piasses par semaine en me faisant prendre en pitié par le bien-être social."

Lynda a beaucoup de copains qui défilent dans sa chambre pour y dormir le jour ou pour lui piquer de l'argent. Fait plus ou moins le commerce de hach, d'acide comme tout le monde, perd ses cheveux avec l'acide : "Moi, le milieu hippie, j'aime ça." Témoin d'un meurtre : "Sur le coup, ça m'a fait rigoler, mais mon copain m'a m'nacé de m'mettre une balle dans l'tête si j'parlais".

Crédule, pas de sens critique. Son avis : "Sais pas, chus cancer, alors... " 


Les "waitress à gogo"

A l'Agence Langevin, les cabarets sont en baisse. On ne veut plus de chanteurs, ça coûte trop cher, on prend une "waitress à gogo" qui sert les clients et danse à poil tour à tour. Le patron la paie mal : 10 dollars par jour mais elle attire les clients et se paie en pourboires. Les dits pourboires vont de pair avec sa complaisance au client. "J'en veux une ben cute et ben smart avec les clients", demande un patron de club, "…et ben roulée, y'a qu'ça qui pogne maintenant", quant aux chansons, y'a le juke-box...

14 février 70. Pour le disque, les producteurs discutent toujours sur la pochette, on est un peu anxieux quand même, ça peut tout remettre en question ce disque. 14 février 70 Le disque ne sortira pas avant un mois ; ils viennent de se mettre d'accord sur la pochette : à défaut du beau petit cul de Francine, on aura un dessin. Derrière la pochette, une photo avec notre biographie.

Nolès nous amène un exemplaire du disque sans pochette. On n'est pas tellement fiers : une excellente prise de son mais l'ensemble sonne scolaire ; ça manque énormément de rodage, c'est vert et la chanson "Dans l'eau de la claire fontaine" est complètement ratée.

La température se tient à moins vingt-cinq degrés, ça caille, on sort pour l'essentiel : les commissions au supermarché… Dehors, les poils du nez gèlent quand on inspire, se dressent droits dans les narines et dégèlent quand on souffle ! On doit faire une audition avec Gemma pour passer à "Zoom" ! Le répertoire doit être rythmé, on piochera dans celui d'Hugues Aufray. Il faut également se farcir "Dis-moi ce qui ne va pas", de Macias, c'est un tube ici

26 février. On en a marre du froid, samedi et dimanche à Oka, la semaine prochaine, on sera à Beauceville, nourris-logés pour 250 dollars. On est vraiment impatients d'avoir ce disque.

Quant au travail : deux semaines d'avance, c'est une bonne sécurité qui nous laisse rêver quand au futur immédiat. Apprendre à vivre au temps présent, goûter le temps qui passe tout en conservant un choix, le choix de pouvoir orienter sa vie autrement dès que la société-carcan serre un peu trop fort. C'est la seule liberté que nous offre la société de consommation.

70 3 quatre affiches quebec 1


 

Toute la première partie de ce voyage au Québec a été écrite par Francine

Francine n'a  pas hésité à relever toutes les phrases courantes du parler "joual". Puis, notre vie à l'américaine aidant, petit à petit, son envie d'écrire, de taper ses textes s'est émoussée... Je n'ai retrouvé que des notes manuscrites de plus en plus espacées.

En 1976, je faisais partie de l'équipe d'animation du club méditerranée à Sveti Marco, c'est au cours de cette saison que je me suis mis à la tâche : réécrire nos souvenirs ...


Suite de notre voyage dans la page :

Vers le Grand Nord.

 

 

 

 

 

 

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