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New-York, direction Brésil...

Le Havre....New York

 Journal de bord de Francine

Extraits des

" Aventures picaresques d'un Jazzman autour du monde"Mai 68 (page 49).

                          Le Havre 25 octobre 1968

1968 depart sur le winipeg

Départ sur le cargo  "Winiperg".

Textes de Philou : "Ça  doit être lui le Capitaine". On se présente.  "Alors, le départ, c'est pour quand ? - Sans doute demain soir. Vous savez, les départs des cargos sont fonction de leurs arrivées et comme nous avons pris un jour de retard, il faut le temps de charger le fret, mais, vous êtes chez vous à bord dès maintenant, cabine 3, on attend 4 autres passagers."

   Un jeune type, cheveux sur les épaules, veste de l'armée américaine s'approche de nous, une musette pend à son épaule : "Vous embarquez pour New York ? - Oui. "Qu'est-ce que vous allez foutre à New York?  c'est pourri... - Ben... on compte acheter une bagnole, une grande et descendre au Brésil... -Vous passerez par le Mexique, j'habite Mexico, achetez-la encore plus grande et vous pourrez m'emmener..."

Tout le monde se marre. Raphaël, c'est son nom, nous aide à monter nos bagages : 150 kg, pas moins, plusieurs voyages sont nécessaires : un gros baffle pour la basse, 2 valises, 2 amplificateurs, les instruments, un magnéto et des conserves de musique...

Mon pote Momo, le fameux danseur-barman du "Tabou" est là, lui aussi, il a tenu à me voir partir.

  La cabine est immense, luxe vieillot, 2 lits, table, fauteuils et table de bridge, grande salle de bain.  "Francine, demain, on répète, y'a une prise de courant, c'est du 110 V, mais j'ai un transfo.  - T'excite pas mon lapin, laisse moi quand même sortir ma brosse à dents.". On remplit les armoires, un bain... 9 jours de traversée... pourvu que la mer soit clémente qu'on puisse travailler...

Le cuistot est à terre, on flâne sur le port, on goûte nos dernières heures sereines, demain ce sera déjà l'aventure, le point de non-retour.

  "Dis donc pour un Mexicain, tu parles vachement bien français ! - Oui, ma mère est française et mon père réfugié espagnol, profs tous les deux."

- Et toi, qu'est-ce que tu foutais en France ?  - J'ai eu une bourse, une bourse offerte au premier de la classe, il ne me reste que 50 centimes !  j'ai passé 3 mois à Paris, je couchais sous le Pont Neuf!  Formidable "!  - Tiens ce troquet à l'air sympa, on t'invite."


A bord.

Texte de Philou : Les remorqueurs reniflent, un flot boueux remonte à la surface, les aussières se tendent, on bouge d'un centimètre, de deux, de trois, la sirène mugit, me donne le frisson, quel spectacle un départ en bateau...Tellement plus humain que l'arrachement brutal d'un boeing !

On furette partout, pose des questions, on essaie de comprendre les manœuvres, on grimpe d'une passerelle à l'autre, s'égare dans les coursives…

Non vraiment, je ne m'habituerai jamais à devenir un paquet ficelé sur une banquette "content pas content c'est l'progrès! ".

Chaque geste de marin rend le départ inéluctable, on a choisi de quitter la France. Les flics revenus, y'avait plus qu'à foutre le camp, les espoirs envolés, restait la bagarre pour son bonheur à soi...

Le Brésil… j'étais décidé pour le Brésil à cause de la musique. Francine, elle, penchait plutôt pour le Mexique… on avait décidé ça en dansant, au "Slow-club", ce n'était pas vraiment un problème, puisqu'on prenait la même direction.

Pour Francine, c'est la grande Aventure. Licenciée en lettres modernes, elle rompt brutalement avec sa famille pour partager ma vie hasardeuse, "sans sécurité sociale". Elle veut chanter, a l'air d'avoir du cran, beaucoup de présence en scène et des tas de possibilités musicales.

Va falloir qu'elle bosse. S'imagine qu'elle va pouvoir chanter "Le Roi Renaud" et "File la laine" en Amérique du sud, faudra  p't'être qu'elle la file la laine si on veut pas avoir froid !

Mais j'préfère lui laisser ses illusions et puis elle est loin d'être con la gamine, elle apprendra vite. Faudra aussi que je lui lise Céline tout haut : ça décrasse, 7 ans chez les bonnes sœurs, ça laisse des traces.


Les repas à bord.

Les dernières lumières de la côte, la nuit tombe, une cloche passe devant notre porte, s'assourdit dans la coursive : c'est la soupe. 

Tout le monde est là. Le capitaine fait les présentations : Un couple qui part aux U.S.A., avec l'espoir d'y vivre, une coiffeuse décidée de faire fortune dans un salon de New York, Raphaël et nous… côté passagers.

Second mécanicien, second gabier, radio et commandant côté officiers. Tout le monde s'observe... va falloir cohabiter pendant 9 jours, et à tous les repas sans s'engueuler.

Après Mai 68, il va falloir que l'on fasse de gros, de très gros efforts, on commentera l'excellente cuisine du chef... Francine semble inquiète : " Dis… ça bouge drôlement, il est costaud ton bateau ?"


Première répète .

Francine est inquiète : "ça s'annonce plutôt mal, tout va se casser la gueule... combien t'as fait d'arrangements ?  - Je finis mon 6ème, sur celui-là, tu as 7 nouveaux accords à apprendre... - Mais tu vas trop vite, j'ai même pas assimilé ceux que tu m'as appris à Paris... - Forcément, tu jouais avec un capodastre, c'est pas sérieux c't'engin, un instrument de fainéant... comment veux-tu monter d'un demi-ton à la fin d'une chanson pour inciter les gens à reprendre le refrain avec nous ?

- Ça y est, y s'y croit ! - Allez c'est encore l'heure de la bouffe, laisse ta clé de sol et ferme la cabine.

- Tu t'rends compte, avoir abandonné ma belle guitare de concert en palissandre pour jouer sur cet instrument électrique... bien sûr, c'est une Gibson... Une Trini Lopez... quand même, des cordes en acier pour accompagner le "Roi Renaud"... avoue...

- Ouai ! comment veux-tu qu'on entende une guitare classique à côté d'une basse électrique ? Surtout quand les gens parleront... ! - Vise un peu les ampoules qu'elle me fait ta "Gibson"... - Continue à jouer, c'est comme ça qu't'auras d'la corne."


Choix du répertoire.

Texte de Francine : Pour le répertoire au moins, j'ai une large part. J'ai choisi des vieilles chansons françaises, j'en ai copié une centaine sur un gros cahier. On a aussi une pleine boîte d'enregistrements du merveilleux Jacques Douai et tout Brassens.

Pour l'instant, Philou a écrit 5 arrangements : "Le Roi Renaud", "Aux marches du Palais", "Greens Sleeves", "Le temps du muguet"  et… "Un homme une femme"… On nous a dit que cette musique de film était très connue à l'étranger.

Pour l'instant, c'est encore au stade du laboratoire, on n'en est qu'aux conventions de départ, c'est d'ailleurs ce qui inquiète Philou qu'on ne soit pas encore capables d'exécuter une seule chanson correctement. Faut dire qu'un Duo où chacun chante en jouant d'un instrument c'est pas d'la tarte !

Philou ne veut pas entendre parler de la tierce, il fait du contrepoint à l'oreille paraît-il... pour que ça ne sonne pas "boy-scout" comme il dit ! Il me donne des paquets d'accords compliqués à apprendre tous les jours et une voix que j'ai bien du mal à atteindre. Il parait que ça sonne mieux...

En plus, ses arrangements sont sujets à modification en cours de répète... Et vlan ! encore 2 nouveaux accords à avaler alors que je viens de passer l'après-midi à en assimiler d'autres. Tout cela me tombe dessus, je ne comprends pas tellement bien ce qui se passe mais je le trouve un peu maniaque.

Oh ! il a la foi le père Philou, il est même né avoir la foi, avec la foi en lui-même, il a dans son optimisme une confiance qui me semble-t-il frise l'inconscience ! Résultat inévitable : on s'engueule. Qui soupçonnera que la qualité, disons la difficulté d'un morceau se mesure au nombre d'engueulades.

L'engueulade est le point critique où la difficulté est cernée mais pas encore résolue. C'est le moment de non-productivité de la répétition, du travail sans résultat immédiat, la croissance zéro ! Et, bien que nous sentions le moment venir, il est impossible de passer au travers !

- Si tu trouves que je ne joue pas bien de la guitare, faut pas t'étonner, t'as qu'à prendre un autre musicien, t'as qu'à chercher une fille qui joue de la guitare et qui te supporte, si t'en trouves !

- Houai ! et bien, à partir de maintenant, tu peux chercher un autre bassiste, un bassiste qui chante et qui ait suffisamment de patience pour t'apprendre à jouer de la guitare !

Point culminant : papiers chiffonnés, partitions malmenées, portes claquées, un peu d'air frais, un quart d'heure de solitude, et puis... Je parlais donc de la musique propre à charmer deux tourtereaux comme nous...


Les vocalises...

On vocalise aussi, tous les jours, d'une toute autre manière. Pendant une heure, on a chacun nos roucoulades que Philou a enregistrées chez Toska Marmor. Toska qui nous avait dit avoir placé la voix de Sacha Distel, Toska nous aimait bien pour nous avoir fait bosser tous les jours pendant 2 mois quasi gratuitement. Merci Toska...

Côté projets, oh ! c'est pas les idées qui manquent, Philou déborde d'imagination ! Acheter une bagnole aux U.S.A. c'est moins cher qu'il dit, et puis l'essence coûte presque rien paraît-il, on roule... on descend... jusqu'au Brésil… quand on verra un coin sympa, on s'arrêtera pour répéter, et puis, tu verras on sera invités partout dans leur ranch, tu penses, des troubadours...

Après mûres réflexions, on s'est décidé pour le minibus WW, d'abord, c'est grand, pas de problème de flotte dans les déserts, c'est important. Contre la chaleur, on peindra le toit en blanc.

Contre les voleurs, on planquera le matériel sous un double plancher, le plumard par dessus pour décourager les curieux. Moi, j'ai la partie décoration : rideaux, moustiquaires,  la cousette du désert quoi ! lui, me fera une penderie, il me l'a promis..


A l'immigration :

5 Novembre 1968 : La veille de l'arrivée, il a fallu changer de cabine avec le couple peu sympa, le fait qu'ils forment un couple aussi peu légitime que le nôtre nous a un peu rapproché aux dernières heures du voyage.

Philou s'est retrouvé avec le mec et moi dans la cabine de cette fille au goût tiède de médiocrité. Un vent de culpabilité pèse sur le bateau.

"Les gars de l'immigration ç'est  pas  des  marrants"  , nous a prévenu le commandant… Des brutes ces mecs, des gorilles qui nous ont lancé le passeport par dessus la table, un mot de travers et on sentait qu'on ne débarquerait pas.

Les marins goguenards sont venus faire la queue pour présenter leurs papiers. -Tank you sœur ! Ils s'en foutent, ils ont bien raison. Après, ce fut la fouille. Incroyablement suspects et équipés. La drogue, comme si elle ne rentrait pas aux U.S.A. par la grande porte..!

Jusqu'aux mœurs qu'ils contrôlent. Pas mariés, pas le droit de voyager dans la même cabine. La fille referme sa valise, qu'est-ce qu'elle vient y foutre dans cette Amérique avec son binocard de mari ? Le personnel a fini son service et repris ses sourires aux contacts de la petite enveloppe de circonstance, on n'a pas été très généreux, c'est vrai.


Arrivée New York

Textes de Francine ... et soudain, vu de pont, envaporisée de brume et de pollution : la carte postale : New York, sinistrement identique à l'imagination, avec déjà quelques lumières éparsement accrochées au hasard des édifices encastrimbriqués.

-Tu t'rends compte, dis ? On est arrivés... C'est là-dedans qu'on doit se faufiler, tout en bas, au plus profond du béton. On n'est pas réveillés,  pas du tout.

Dans l'humidité grise du petit jour, les remorqueurs viennent coller leur nez rageur sur la coque du cargo, crachant leur fumée noire, grognant de leur sirène des appels rauques, brassant à gros tourbillons sombres la viscosité aqueuse huilée de pétrole, gonflée au spray d'une mousse pisseuse : le port de New-York… Nous longeons les quais de Manhattan. Le bois pourri des pontons s'effondre dans les eaux glauques, se disloque, se meurt.

4 l arrivee n y

Dans un calme glissement, le bateau entre. Les quais défilent quelques cahutes en bois se penchent tout au bord, parfois même, lutte une lumière, s'étire une fumée ton sur ton.  Imperceptiblement, le cargo s'aligne sur le quai. La pourriture humide et molle du ponton, se laisse aborder sans heurt.

En bas, personne. Si, tout en bas sur la droite, deux mecs… c'est bien des mecs, casquettes à longue visière, chemises à carreaux. Le jour baille, embrumé, ouaté de rêve gris et d'éveil frileux. Et puis d'autres mecs. Les amarres sont accrochées aux bites, la passerelle relâchée et nous, le cou tordu, trépignants, glacés, ahuris, hilares, connement heureux ; on regarde.

"C'est ça le port de New York ? Non mais, vise un peu cette poubelle... ça te rappelle  pas  les "Incorruptibles"...?" Et les voilà à bord qui empoignent les valises. 

- Eh ! pas si vite, stop it ! Philou s'est réveillé !

- Les amplis, fait gaffe aux amplis... On dégringole la passerelle 4 à 4, les brutes grognantes n'entendent rien, ils gueulent, ricanent, soulèvent nos 150 kg de matériel par-dessus bord. En bas, c'est les docks, les entrepôts, immenses, glacials, les porteurs qui circulent, les voitures à contrepoids qui se faufilent entre les containers.

Tout est rassemblé. Monter un duo vocal avec basse et guitare c'est du super actif surtout quand  on s'embarque sans même avoir répété mais, déjà avec un matériel professionnel.


Et notre répertoire ?

Pas encore de répertoire. Des projets : "Vieilles Chansons françaises", ça, j'y tiens, c'est mon rêve à moi. Philou pour un jazzman  n'est pas sectaire, il aime ce qui est beau, et accepte de s'embarquer dans cette voie inconnue, à 34 ans, faut l'faire ! Moi, je n'en ai que 21, donc aucun mérite, je ne quitte rien, sinon un éventuel poste de prof' de français à Trifouillis-les-Oies...

On a commencé les premières répétitions sur le bateau  quand le temps le permettait : un coup de  dramamine, une heure de répète, deux heures dans la couchette à pioncer et batifoler, plus les longues nuits de mer moelleuses,  auréolées par l'inconnu, un grand trou noir où dansent  toutes les possibilités, toutes les illusions, tous les espoirs.

C'est bon de ne pas savoir, tout est possible alors, tout. Et c'est là, affalé sur une valise de fringues, une caisse en bois contenant une basse et une guitare électriques, un ampli de basse plus un ampli de guitare et un énorme baffle pour le tout, à se demander par quel bout ça se prend un voyage autour du monde, assis dans un entrepôt crasseux de New York au petit matin du premier jour...

Après une traversée de l'atlantique de 9 jours sur un cargo mixte de la French Line, 200 dollars par tête de pipe, on est là, minuscules tout en rêve, ivres de pouvoir utiliser nos vies comme bon nous semble on peut tout faire avec nos minuscules 1.200 dollars d'économies du père Philou !


Et Raphaël ?

Raphaël, il s'en fout. Il a compté les jours sur le bateau. La tête dans les cheveux d'une adorable gamine, il est parti dans le gazouillis des retrouvailles. Ils se roulent sur les ballots sans écouter les hurlements de l'entrepôt, se touchent le nez, les oreilles, recomptent leurs taches de rousseur, se mouillent le visage de baisers fous.

Raphaël est beau, ses longues boucles d'ange sombre et ses lèvres douces et pleines s'immobilisent, sérieux soudain, un grand éclat de rire, ils n'en peuvent plus ! Prix d'excellence du lycée de Mexico, ce qui lui a valu un voyage en France. C'est un mec sympa, il a 17 ans, elle, 18...

5 marianne sur le matosDans les docs, Marianne attend son Raphaël.


A l'immigration...

On sursaute. On vient de nous grogner dans les oreilles par derrière. Un mec en civil. "Dis Raphaël, qui c'est celui-là ? Marianne, c'est son nom, discute en anglais avec le type : "Montrez lui vos passeports, c'est l'immigration. - Encore ? On les a déjà vus sur le bateau et pas aimables. - Je lui ai donné mon adresse, il voulait savoir où vous allez…

T'habite ici ? Oui, mon père est correspondant de presse au Figaro à New York. Petite et ondulante, longs cheveux lisses et des yeux luisants, espiègles, tirés sur les tempes, abrités sous de petites petites lunettes rondes de grand-maman, bien foutue, excitante même.

"T'as pas une idée pour nos bagages, toi qui habite ici ? Philou d'un geste vague embrasse l'immensité du décor bétonneux. Chez moi, c'est pas possible, vous connaissez pas mes parents... chez Pierrot...  Qui c'est Pierrot ?


Chez Pierrot

Marianne disparaît 5 mn puis revient en taxi, Pierrot, c'est Hardi sans Laurel, un pantalon tortillonné et graisseux, un gilet trop court, un pull aux mailles relachées boutonné sur son ventre obèse. Il transpire, s'encadre dans la porte de sa boutique. Marianne lui fait un grand sourire, nous présente.

Il dit rien Pierrot, il bouge pas, il sourit pas, l'œil bleu et terne, les bras ballants. J'te dis qu'c'est des amis, t'as pas une place dans ta boutique ? - C'est plein..." Il rentre son énorme tête de poupon calée sur ses épaules, Marianne le suit dans l'arrière boutique. "Sois sympa, Pierrot ! ". Il machonne des pop-corns devant la télé portative : un match de hockey sur glace, l'image est brouillée. Il nous tend le sachet et s'ouvre une canette de bière : il rote.


Dans la boutique ...

La maman Pierrot : Dis don' Pierrot,t'as oublié l'pain, t'as vu l'heure ? Une petite vieille souillone qui repart en grommelant.

Pierrot se lève, un peu débraillé,le fond du pantalon baillant en énormes poches, les bourrelets de la taille reposant sur sa ceinture. Il rote encore. Marianne allume une cigarette se rapproche.     

Une  petite vieille souillonne qui repart en grommelant. Pierrot se lève, un peu débraillé, le fond du pantalon baillant en  énormes poches, les  bourrelets de la taille reposant sur sa ceinture.  Il rote encore.  Marianne  allume une cigarette, se rapproche.

"Elle, c'est sa mère, une bavarde, c'est  pas  comme son fils ! Vous frappez pas,  il est sympa Pierrot, un peu bizarre, il aime les petits garçons. Je crois que sa  mère  est  née  en Bretagne, elle nous  parles toujours de son pays.entre les cours, on vient toujours dans l'arrière boutique avec les copains du Lycée Français pour manger des  sandwiches, on rigoles bien".

Et les bagages ?  Il n'a pas l'air décidé..." Marianne se lève :"Alors Pierrot où on les met ?  Pierrot  s'essuie les mains à une serviette sale : "La-haut".


68 11 5 new york pierrotPierrot cherche une place pour le matos...

La-haut, c'est dans la boutique, au-dessus du frigo, une boutique qui à l'air de bien marcher, spécialités françaises. Il nous donne un coup de main, son corps énorme sur un escabeau... ça tient...

- Ben alors Pierrot tu peux pas leur donner à manger ? tu vois pas qu'ils ont faim ces petits ! Alors comme ça, vous débarquez de France ? Vous êtes bretons ?  - Non...- ça fait rien, mangez quand même.

La table de l'arrière boutique est soudain parée de pain frais, jambon, saussisson, fromage - Vous gouterez bien mes gâteaux bretons ?  Des "Paris-Brest", des choux, des éclairs, on  n'en peut plus, c'est trôt, merde ce que ça  peut  être  bon de manger quand on a faim ! 

Marianne est partie avec Raphaël, ils pouvaient plus attendre... La  mère  papote, un  peu de  mal sur tout  le monde, elle  n'aime  pas  Marianne, une petite  garce... Elle  a  de bons  clients, même...


L'anus du monde...

 

Texte de Francine : Des gamins se roulent dans des poubelles renversées, des jeux sans joie, la vie c'est déjà l'existence. Le froid, la fatigue, la complète nouveauté de ce qui nous entoure ont aboli toute pensée ; tout semble irréel, je marche et les images me frappent directement sans recul, sans référence au passé, avec une puissance émotive incapable d'analyse.

Ici, c'est le quotidien extraordinaire, le cirque permanent, la folie, la mort, la souffrance devenue habitude, le cirque permanent, la folie, la mort, la souffrance devenue habitude, tout et indifférent à tout.

Une femme pisse debout entre deux voitures, les yeux dans le vide. Un type habillé en cow-boy poursuit une fille à moitié nue avec un immense fouet ; elle ricane, il hurle. Des corps inertes sur le trottoir dans des bouteilles brisées et toujours cette insupportable odeur de graillon.

Sont-ils morts ? ça n'intéresse personne... Nous entrons dans la 42e rue, la rue des porno-shops nous dit Marianne. Pas de nuit dans la 42e rue, 24 h sur 24, ça bouge, ça brille, ça roule, ça crie.

Toutes les deux portes, des sortes de magasins de bric à brac : "Bargain store". Disques, réveils, micros, godasses, clinquant, gadjets, chaînes, tocs, électronique, machine à sous. Objets entassés pêle-mêle, sans ordre ni sens, les chaussures de sport sur les godmichets, la verroterie sur les chemises à carreaux...

Et la musique qui gueule...toujours la même rengaine, le dernier tube qui revient sans périr, mécanique, désespérant sans fin. La rétine ne répond plus, aveuglée par la lumière des néons qui reflètent à l'infini les jeux de glace et la multitude d'objets métalliques, tant et tant qu'on en perd les notions d'espace et la sortie.

- Ecoute y'en a marre, tu chercheras tes micros un autre jour... Films de cul à l'envie, au dégoût, super néons et super agrandissements pornos où bavent à longueur d'année, les oisifs de la 42e rue. - IL faut voir les librairies, dit Marianne.

Les bouquins de cul sont mis en évidence dans une petite devanture poussiéreuse, le sexe est caché d'un rectangle noir découpé et collé. Une fois à l'intérieur, c'est à perte de vue que s'alignent les revues, livres, photos, posters, y'en a partout, dans toutes positions, sur les murs, le comptoir, le sol, à l'endroit, à l'envers, en noir et en couleur, pour les pédés et les lesbiennes, mais là, le sexe est à l'air, déformé, grand angle obsédant, hideux, caricatural.

Au fond, la salle de lecture, Philou referme une revue sur la photo d'un adolescent au regard de chien battu. Sa verge en érection, monstrueusement développée pour son jeune âge fait penser à un cas d'hypertrophie dans une revue médicale.

Soudain, je lève les yeux, je suis la seule femme. Des hommes, chapeaux mous, grosses lunettes sont plongés dans des revues, quelques-uns ricanent, mon voisin me fixe avec de tels yeux qu'une panique me saisit... Je m'échappe en courant.

Dans la rue, je serre le bras de Philou, mon sac entre nous deux. Une foule de dingues, d'aliénés, une ville démente New-York : l'Anus du monde...


Des hommes sans regard...

A New-York tous les hommes se ressemblent, sans âge, complet froissé pantalon trop court et resserré en bas, chaussettes blanches dans de grosses galoches noires : écrases merdes, un vieux chapeau mou, d'invariables lunettes de myope à grosses montures .

C'est l'homme de la rue. Il marche, d'où vient-il ? Où va-t-il ? Le sait-il... Sans hâte, il va. Monsieur personne, monsieur tout le monde, le dégénéré de type courant ! De face, il manque quelque chose et quelque chose qui déroute, qui déroute terriblement : le regard ! Il n'y a pas de regard, pas un point d'appui, un indice, une expression. Malaise... Impassible démarche du déambulateur... Un solitaire.

Que pense-t-il ? Inutile, il ne doit pas penser, il ne doit pas voir. Peut-être est-ce les dollars qui dansent dans ses oreilles de myope. Une myopie congénitale. Il s'étale, se balance, flotte grossièrement dans un vaste pantalon, pousse le ridicule jusqu'à l'embonpoint : son cul.

Des fesses sans symétrie, spongieuses et malsaines, vidées de sens et de fibres vivantes. Un visage s'étudie, se grime, se cache ou se vante. Mais un cul, ça parle, il est là, au bas du dos sans artifice, révélateur.

Parce qu'on s'assoit dessus, on le sous-estime et c'est toujours trop tard qu'on le découvre, alors que l'intime vérités d'une personne se réfugie sans se cacher dans ces deux rotondités jumelles.


 

Suite dans la page :

 

Notre beau projet vers le Brésil est irréalisable !!

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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